Merteuil Max
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Vincent Lacoste interprète Valmont face à Anamaria Vartolomei dans la très belle série d'époque HBO Max, rejouant les Liaisons Dangereuses. Rencontre.

Entrevue dans les boudoirs de la France de Louis XV. Vincent Lacoste et Anamaria Vartolomei s'échangent des amabilités dans un Français lyrique et romanesque, dans Merteuil, la série HBO Max qui revisite le roman historique de 1782, en mettant l'accent sur la revanche sociale de la jeune Isabelle, ingénue manipulée devenue manipulatrice. Les deux acteurs césarisés en 2022 nous racontent leurs Liaisons vachement Dangereuses.

PREMIÈRE : Pourquoi Merteuil n'est pas tout à fait une adaptation du livre de Pierre Choderlos de Laclos ?
Vincent Lacoste : C'est une relecture des Liaisons Dangereuses, du point de vue d'Isabelle de Merteuil, avec un petit côté préquel, puisqu'on commence l'histoire avant. C'est vraiment axé sur elle et son histoire d'amour avec Valmont. On décrit sa trajectoire, son évolution dans cette société, en partant d'une profonde blessure initiale. Et à partir de l'épisode 3, on revient au livre et à l'histoire qu'on connaît.

En conservant un prisme féminin…
Vincent Lacoste : Exactement. Parce que souvent, dans les adaptations des Liaisons Dangereuses, le point de vue est celui de Valmont. Jusqu'au film Valmont de Miloš Forman (1989) d'ailleurs... En même temps, le livre est vraiment raconté à travers lui et Isabelle de Merteuil est presque présentée comme la méchante de l'histoire. Notre série explique pourquoi elle est devenue comme ça.

Merteuil Max
Max / Caroline Dubois

Il y a l'idée d'une disculpation du personnage, qui a cette image de manipulatrice sournoise ?
Anamaria Vartolomei : Oui, on est un peu dans la réhabilitation de Merteuil et de sa condition, elle qui est souvent vue comme la méchante. Son regard très féminin, c'est le fil conducteur de la série. On montre la façon dont elle va se réapproprier son corps pour arriver à une forme de liberté et d'indépendance. Il y a une forme de vengeance, très destructive, mais derrière il y a ce désir d'émancipation.

Quel regard vous portez sur elle ?
Anamaria Vartolomei : C'est une gamine qui part de rien, qui n'a pas les codes et qui se fait éduquer par Rosemonde (Diane Kruger) dans une forme de récit initiatique. Pour intégrer la haute société, Isabelle de Merteuil se trahit pour se formater à ces codes. Mais une fois qu'elle est seule face à son miroir, le masque tombe et on comprend qu'elle ne sait pas elle-même qui elle est au fond. C'est complexe. Et c'est bien que ce soit une série, car sur six épisodes, on a le temps de développer cette évolution, de l'enfant ingénue à la femme blessée, jusqu'à la manipulatrice stratège, presque grotesque, qu'on connaît tous.

Merteuil Max
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Comment est-ce qu'on joue dans un français soutenu, celui du XVIIIᵉ siècle ? Où chaque réplique sonne comme un poème ?
Vincent Lacoste : C'est vrai que c'est un peu un challenge en tant qu'acteur, parce qu'il faut trouver le naturel dans ce langage très châtié. C'était une vraie volonté de la réalisatrice, Jessica Palud, et du scénariste, Jean-Baptiste Delafon. Mais ce n'est pas évident à appréhender, parce qu'on peut vite se sentir enfermé par de tels dialogues. Soit parce qu'on ne les comprend pas. Soit parce que ça sonne artificiel. Donc on a essayé de les assouplir. Mais en même temps, c'est aussi ce qui fait le charme des Liaisons Dangereuses : sous leurs apparences très chics, dans l'intimité, ils sont assez dégueu (rires).

Il y a eu pas mal d'adaptations des Liaisons Dangereuses depuis 30 ans, au ciné ou à la télé. Laquelle est votre préférée ?
Anamaria Vartolomei : Celle de Stephen Frears (1988) forcément. D'ailleurs, je n'ai pas vu Valmont (1989) ni même la version moderne, Sexe Intentions (1999). J'avais forcément en tête l'incarnation magistrale de Glenn Close. C'était même un peu intimidant, parce qu'elle est tellement parfaite que c'est compliqué de se comparer à une telle performance. Mais comme Merteuil est un préquel, je me suis autorisée aussi un peu plus de libertés.

Vous n'avez pas trop pensé au sketch des Inconnus : "V'là ta mouche Merteuil !" durant le tournage ?
Vincent Lacoste : Si ! Et moi j'avais très peur de ça pour le coup. Que la série fasse penser aux Inconnus ! C'est quand même le risque de ce genre de production. Avec de tels dialogues, ce n'est pas évident, on flirte avec la caricature et si on est à côté de la plaque, on bascule vite dans Les Inconnus.



La série est très sensuelle. Comment s'est passé le tournage des nombreuses séquences de sexe ?
Anamaria Vartolomei : On a travaillé avec des coordonnatrices d'intimité, qui sont venues ouvrir le dialogue par rapport à ce que Jessica (Palud) voulait de la séquence et ce que nous, on était prêts à faire pour lui donner vie. Il fallait trouver un commun accord, parce que ce ne sont pas des moments faciles à filmer. On peut vite se sentir vulnérable et c'est là que les coordonnatrices d'intimité ont un rôle important à jouer pour rendre cela confortable. Après, Jessica elle-même a de la pudeur. Elle a fait attention à ne pas tomber dans la vulgarité. Les scènes de sexe ne sont jamais excessives et elles ont toutes un enjeu narratif.

Vous vous étiez déjà croisés, tous les deux, dans Jacky au royaume des filles de Riad Sattouf, il y a un peu plus de 10 ans. Vous vous souveniez de ce tournage ensemble ?
Vincent Lacoste : Bien sûr ! Même si c'était une toute autre ambiance... Rien à voir avec Merteuil (rires). On était en Géorgie et Anamaria était très jeune. Elle avait 14 ans à l'époque. Moi 19 ans. Nos rapports n'étaient pas les mêmes forcément. On s'est recroisés plusieurs fois depuis, mais c'est vrai que c'était marrant de se retrouver comme ça, dix ans plus tard.

Merteuil, en 6 épisodes, à voir sur HBO Max depuis le 14 novembre 2025


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