« J’ai l’impression qu’on règle un problème qui n’existe pas » glisse Dimitri Rassam quand nous lui demandons ce que lui inspire la résolution votée par le CNC pour encadrer les salaires des acteurs. Deux ans après la tribune de Vincent Maraval qui avait fait l’effet d’une bombe, un an après la remise du rapport Bonnell qui ouvrait beaucoup de pistes de réflexion pour une réforme du système de financement du cinéma français, le CNC, institution publique de soutien à la création et à la production des films, vote une résolution qui semble essentiellement symbolique. Pire, qui se tromperait de cible. « C’est pas les stars le problème du cinéma français. On pointe les gros salaires mais c’est un peu malhonnête s’indigne Rassam, producteur notamment du Prénom, de Paradise Lost et d’Un Illustre inconnu récemment. On tape sur Dany Boon (symbole de l’acteur « trop payé », dont la photo illustre au moins la moitié des sujets faits sur la question par les médias en ligne et, surtout, la Une de Libé, NDR), mais quoi ?! Il ne pique pas l’argent public ! Au contraire, ce qu’on ne dit pas assez c’est que les films de Dany rapportent de l’argent qui permet au producteur de redistribuer et de financer des films plus petits, plus fragiles. Ces films-là génèrent des succès. Si les grosses stars prennent un gros cachet, c’est sur les grosses productions qui font des entrées et qui épaulent les petits financements »« Le CNC courageux, bravo ! »Certains estiment pourtant que cette mesure peut porter ses fruits, au moins à la marge : « elle va sûrement redonner un peu de marge de manœuvre aux producteurs vis à vis des agents » avance Eric Altmayer, qui imagine que les plafonds du CNC pourront peut être rétablir en la faveur du producteur le rapport de force avec les agents qui seront bien obligés de tempérer les exigences salariales des acteurs. Même si en réalité, ce sont surtout les exigences de chaînes de télé, très gros contributeurs à l’économie du cinéma, qui déterminent les cachets de quelques stars estimées bankables pour une diffusion en prime-time. C’était le fond du problème soulevé par Vincent Maraval dans sa tribune de décembre 2012, qui persiste et signe sur Twitter : « Le CNC courageux, bravo ! Il n’y a plus qu’à étendre l’encadrement des salaires à la qualification des obligations TV ! » Car il faut rappeler que la résolution du CNC ne s’applique évidemment qu’aux films qui comptent sur l’aide de l’institution publique et que pour s’en affranchir, chacun est libre d’aller trouver les fonds ailleurs. Un effet pervers de cette mesure pourrait d’ailleurs donner encore plus de pouvoir aux chaînes et, avec son système de barème dégressif (plus le budget d’un film est gros, moins le pourcentage dédié au salaire des acteurs doit être élevé), pénaliser plus lourdement les petites productions en mal de financement.    Ce qui est sûr, c’est que le CNC tente d’encadrer un marché qui préfère l’autorégulation : « Pour moi c’est un poil démagogique poursuit Rassam, la filière doit se responsabiliser mais ce n’est pas à la puissance publique de réglementer tout ça ». Un avis que partage Eric Altmayer, producteur notamment des OSS 117 et du Saint Laurent de Bonello, qui s’attriste « qu'on en soit encore à faire appel à la puissance publique pour réguler ce qui ressort intrinsèquement d'une négociation de gré à gré ». Le patron de Wild Bunch estimait lui, toujours sur Twitter, que « les acteurs ne sont pas trop payés tant qu’ils le sont dans un système libéral ». Thomas Langmann, que nous avons eu au téléphone, est encore plus synthétique : « Ils n’ont qu’à être producteurs ».Vanina Arrighi de CasanovaAvec Christophe Narbonne et Gaël Golhen