Ce qu’il faut voir en salles
L’ÉVÉNEMENT
LA FEMME LA PLUS RICHE DU MONDE ★★★☆☆
De Thierry Klifa
L’essentiel
Thierry Klifa revisite l’affaire Bettencourt dans une comédie savoureusement cruelle portée par un duo majeur : Laurent Lafitte- Isabelle Huppert
Thierry Klifa s’empare ici avec finesse d’un sujet casse- gueule : la fameuse affaire Bettencourt et le lien particulier qui a uni Liliane Bettencourt au photographe François-Marie Banier. Et il prend le parti de la comédie comme prisme de cette histoire de famille aussi déchirante – par les secrets enfouis douloureux et les non-dits qui vont s’y libérer – qu’hilarante – par le cynisme, la cruauté et le sens aiguisé de la répartie que déploient, façon éléphant dans un magasin de porcelaine, le personnage inspiré par Banier. Mais pour camper cet homme qui fascine autant qu’il insupporte et ses variations d’humeur et d’humour extrêmes, il fallait un comédien capable de jouer l’outrance sans précisément en rajouter. Laurent Lafitte est de cette trempe-là. Et face à lui, Isabelle Huppert joue les souveraines avec l’assurance et le détachement de celles qui n’ont rien à prouver à personne dans cette danse au- dessus d’un volcan qui se déguste avec délectation.
Thierry Cheze
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A BEAUCOUP AIME
CE QUE CETTE NATURE TE DIT ★★★★☆
De Hong Sang- soo
Le nouveau Hong Sang-soo dure 1h48 ; cela faisait dix ans qu’un de ses films n’avait pas duré aussi longtemps (précisément, depuis Un jour avec, un jour sans en 2015). Avec un scénario plus contrarié qu’à son habitude, le génie tragicomique du réalisateur sud-coréen jaillit ici dans toute sa beauté. Un jeune homme rencontre sa belle-famille durant une journée et une nuit, mais les différences de classe refont vite surface. Comportements minables, alcool triste, repas en plan séquence, nous sommes bien dans un film de Hong Sang-soo. En revanche, la colère qui pointe chez le jeune homme constitue ce qu’il y a de plus imprévisible et génial : bien que légitime, elle n’en demeure pas moins ingrate pour les beaux-parents qui rencontrent le garçon. Un petit esprit révolutionnaire hante alors le film, le titre et le personnage, qui s’en remettra alors à la nature environnante pour chercher à se reconnaître quelque part, loin de ses habitudes.
Nicolas Moreno
UN POETE ★★★★☆
De Simon Mesa Soto
Lorsqu’il erre dans les rues de Medellín, Oscar ne dégage pas seulement des effluves d’alcool : il empeste la malédiction du poète. Pire encore, il le fait sans le panache des grands noms qui l’ont précédé, puisque sa déclinaison de l’artiste tragique s’affiche davantage pathétique que romanesque. Alcoolique, chômeur, immature, suicidaire, lâche, autodestructeur : Oscar coche toutes les cases du loser irrécupérable. Même lorsqu’il s’essaye à la philanthropie en transposant ses rêves inaccomplis sur une ado douée en poésie, il réussit à se foirer. De cet homme qui nous offre en spectacle sa médiocrité se dégage une comédie noire désopilante qui accentue les travers de son antihéros par des plans saccadés, un rythme endiablé et des zooms intempestifs sur son visage de tête à claques. Mais s'il est jouissif de lui rire au nez, il l'est encore plus de déceler en lui un début de rédemption.
Lucie Chiquer
PREMIÈRE A AIME
SMASHING MACHINE ★★★☆☆
De Benny Safdie
Pour son premier long métrage en solo, Josh Safdie a choisi de raconter Mark Kerr, pionnier du free-fight dans les 90s. Il le fait avec une approche plutôt classique du biopic, jusque dans la performance « oscarisable » de la star Dwayne Johnson, mais pirate régulièrement celui-ci par des décrochages poétiques, cherchant le sublime dans un matériau qui aurait pu n’être que kitsch. Le cinéaste est autant un rejeton de Cassavetes et de Raging Bull que de la télé-réalité The Osbournes. Il filme son héros comme une figure bigger than life aussi bien que comme un anonyme qu’on pourrait croiser au supermarché. Avec un peu de maladresse mais un cœur gros comme ça.
Frédéric Foubert
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A MOYENNEMENT AIME
UNE VIE ORDINAIRE ★★☆☆☆
De Alexander Kuznetsov
Ça commence par la fin, la guerre, celle que Poutine a déclaré à l’Ukraine en février en 2022. « Comment avons-nous pu laisser faire ? » se demandent alors des manifestants russes révoltés. Retour en arrière : 2009, deux jeunes filles Katya et Yulia ont été placé (à tort) dans un hôpital psychiatrique. Le cinéaste Alexander Kuznetsov les suit entre ces deux balises temporelles pour réfléchir à ce qu’indépendance et liberté veulent dire dans la Russie d’aujourd’hui. Un constat forcément sans appel.
Thomas Baurez
ON FALLING ★★☆☆☆
De Laura Carreira
Imaginez Un jour sans fin, mais remplacez le contexte fantastique par celui de la précarité des immigrés. Car nul besoin d’un scénario saugrenu pour se retrouver prisonnier d’une boucle temporelle : aujourd’hui, la routine métro-boulot-dodo suffit. Aurora, immigrée portugaise établie en Écosse comme préparatrice de commandes dans un entrepôt, en subit les frais. Chaque jour, elle répète les mêmes gestes, entend les mêmes conversations, mange les mêmes repas, scrolle inlassablement sur les réseaux. Un quotidien automatisé qui ne tient qu’à un fil : son téléphone cassé qui demande réparation immédiate (avec de l’argent qu’elle n’a pas) la plonge dans une spirale dépressive. En illustrant l’aliénation qui régit la vie des immigrés et l'isolement qui en découle, le rythme excessivement lent finit par desservir le film : on s'ennuie et on baille. On falling réussit son pari, mais à quel prix…
Lucie Chiquer
Retrouvez ces films près de chez vous grâce à Première GoPREMIÈRE N’A PAS AIME
L’ETRANGER ★☆☆☆☆
De François Ozon
Adapter L’Etranger en images, c’est se heurter au mur d’une interprétation condamnée à ne pas être suffisante. Visconti s’était loupé. Ozon aussi. Le Français superpose des couches (noir et blanc immaculé, suavité et érotisation des corps…) pour mieux asséner à notre regard la subjectivité de sa lecture. Ça marche un peu dans la première partie avec un Meursault antonionesque (Benjamin Voisin très juste). Mais le film bascule dans sa seconde partie dans son versant « explication de texte » avec séquences de procès (ratées) et prison (itou). Ozon cherche du fantastique dans le réel mais se heurte à l’implacabilité d’une inspiration trop décorative pour nous transporter dans les vertiges de ce grand texte qui résiste à tout.
Thomas Baurez
Lire la critique en intégralitéEt aussi
Comme entendre à travers une feuille de métal, de Marianne Béliveau
Les Intrus- chapitre 2, de Renny Harlin
Regretting you, de Josh Boone
Yoroï, de David Tomaszweski
Les reprises
Amours chiennes, de Alejandro Gonzalez Inarritu
L’Enfant du diable, de Peter Medak







Commentaires