Silver Star de Lola Bessis et Ruben Amar
Wayna Pitch

L’arrière petite- fille de Robert Mitchum, dont la carrière a pris son envol après avoir déboulé dans la saison 4 de la série- culte des Duffer, crève l’écran dans l’épatant deuxième long de Lola Bessis et Ruben Amar. Rencontre

Dans Silver star, leur deuxième long métrage, onze ans après Swim Little Swim Fish, Lola Bessis et Ruben Amar mettent en scène la cavale électrique à travers les Etats- Unis de Billy, une jeune Afro-Américaine qui braque une banque pour aider ses parents dans le besoin et Franny, 18 ans, enceinte jusqu’aux dents, qu’elle a prise en otage. Ce film est porté par l’énergie et la complicité de ses deux formidables interprètes principales : Troy Leigh- Anne Johnson et Grace Van Dien. Cette dernière poursuit ici brillamment sa montée en puissance permise par son arrivée en reine des pom pom girls du lycée d’Hawkins dans la saison 4 de Stranger things. Arrière petite- fille de Robert Mitchum et fille de Casper van Dien (Starship troopers), elle crève ici à l’écran en grenade dégoupillée dont on ne jamais à l’instant T ce qu’elle va faire dans la seconde qui suit. Le tout sans briser l’harmonie du film mais au contraire en en étant à chaque instant le cœur vibrant en parfaite adéquation avec sa camarade Troy Leigh- Anne Johnson. Alors qu’elle enchaîne les tournages (dont le Springer Breakers : Salvation Moutain), on a pu faire un petit point avec elle du moment de bascule qu’elle est en train de vivre.

Vous avez décroché le rôle de Franny, l’une des deux héroïnes de Silver star par audition. Vous aviez pu avoir accès au scénario pour vous y préparer ou vous l’avez découvert une fois engagée ?

Grace Van Dien : J’ai bien pu avoir accès au scénario pour les essais et je peux vous assurer que c’est l’un des scripts les plus amusants et les plus barrés que j’aie jamais lus. Je me suis même dit qu’il n’y avait aucune chance qu’ils me choisissent ! (rires) Du coup, j’ai abordé l’audition en toute décontraction, en me disant : “Amuse- toi, rends le personnage aussi fou et unique que tu veux, puisque ce ne sûrement pas toi à l’arrivée. Régale- toi juste à être Franny pendant quelques minutes.” Et j’ai eu la chance de me tromper !

Qu’est-ce qui vous a immédiatement séduite chez ce personnage ?

Le fait qu’elle dise ce qu’elle pense. Ce qui en fait quelqu’un d’étrange et d’imprévisible, car elle se fiche totalement de l’avis des autres sur elle. Elle se trouve dans une situation où la plupart des gens seraient brisés ou malheureux, mais elle continue à être excentrique, bruyante et entière. Je suis tombée amoureuse de cette liberté.

Ce film est écrit par deux Français. Est-ce que cela vous a surpris ?

En partie car le ton est effectivement très américain dans l’écriture ! Mais c’était tellement subtil et intelligent que ça ne pouvait être que français !

Silver Star de Lola Bessis et Ruben Amar
Wayna Pitch

 

Une fois le rôle obtenu, comment avez-vous travaillé ? Aviez-vous des références conseillées par Lola Bessis ou Ruben Amar ?

Ce qui m’a donné énormément de liberté, c’est cette réplique où Billy demande à Franny : “D’où viens-tu ?”, et que Billy lui répond : “De partout.” À partir de là, j’ai compris que je pouvais jouer avec son histoire, ses origines, ses accents, tout. Avec Lola et Ruben, nous avons évoqué Thelma et Louise, mais au fond Franny n’a pas vraiment d’équivalent direct dans ce film, ni dans aucun autre. Elle est unique. Et dans cette même logique, Lola et Ruben m’ont laissé improviser, oser et tester des idées. Ils ne cessaient de me dire : “Vas-y à fond, on verra jusqu’où tu peux aller.” Et j’avais confiance en leurs regards pour savoir malgré tout poser des limites.

Franny est excessive mais si on s’attache à elle et si on l’aime, c’est parce qu’on voit aussi sa fragilité intérieure, même si elle ne la montre pas spontanément…

Ca, on le doit vraiment à sa relation avec Billy. Je pense que sans cela, si le public ne regardait pas Franny à travers les yeux de Billy, il ne parviendrait jamais vraiment à s’attacher à elle. Car j’ai conscience qu’au début du film, on peut avoir envie assez vite qu’elle se calme et se taise. Franny parle beaucoup, vite et fort. Trop vite et trop fort ! (rires) Mais dès qu’on entre dans ce duo, sans même s’en rendre compte, on commence à s’attacher à elle. Et à partir de là, je crois qu’on ne la lâche plus

Comment s’est créé précisément ce duo avec Troy Leigh- Anne Johnson et cette complicité qui en effet crève l’écran ?

Déjà, vous ne pouvez pas vous imaginer à quel point Troy est aux antipodes de son personnage dans la « vraie » vie : bavarde, ultra- féminine… C’était captivant de la voir se transformer au mot « Moteur » en ce garçon manqué taiseux. Et Lola et Ruben ont eu bonne idée de nous faire vivre ensemble pendant le tournage, dans un Airbnb. On regardait des films d’horreur, on buvait du vin, on se confiait l’une à l’autre en rentrant du tournage. Cette proximité a vraiment créé une amitié que la caméra a su capter.

Malgré vos antécédents familiaux qui font de vous une vraie enfant de la balle, vous avez attendu d’avoir 18 ans avant de vous lancer dans une carrière de comédienne. Pour quelle raison ?

Parce que je voulais être écrivain ! Mais aussi parce que je ne voulais pas être exposée, être observée par des inconnus. Ça me terrifiait. Et puis un jour, en 2014, mon père m’a proposé de jouer La Belle au bois dormant, son premier film de réalisateur. Et j’ai découvert le plaisir de disparaître en quelqu’un d’autre, d’abandonner mes propres souvenirs et d’endosser une autre âme. C’est devenu instantanément une drogue.

Avez-vous pris des cours ?

Pas vraiment. J’ai grandi sur les plateaux en suivant mon père. À 18 ans, j’ai pris trois mois de cours, mais j’ai décroché un rôle pendant la formation. A l’école, on m’a alors balancé : “Si tu pars faire le film, tu ne reviens pas.” Je me suis dit : “N’est-ce pas le but de travailler ?” Je suis donc partie et j’ai continué avec des coachings privés.

Beaucoup d’acteurs disent que le plus dur est de choisir les rôles. Aujourd’hui que vous avez cette liberté- là, c’est aussi votre cas ?

J’ai dû apprendre. Aujourd’hui, j’ai en effet la chance de pouvoir dire non. Je choisis un projet en me demandant : “Qu’est-ce que ce rôle peut m’apporter que je ne peux pas vivre autrement ?” Et je découvre que j’aime réellement jouer des personnages étranges. Peut- être que je devrais d’ailleurs faire attention à ne pas trop les enchaîner pour ne pas m’y enfermer.

C’est Stranger Things qui a permis cette bascule ?

Complètement ! Même si je croyais que mon rôle était si petit que personne ne me remarquerait. Je trouvais juste déjà incroyable de me retrouver à travailler sur ma série préférée. Je n’avais aucune idée que cela changerait ma vie.


 

Enfant, quels films vous ont marqué ?

Mon père est un fan de westerns : La Prisonnière du désert, Butch Cassidy et le Kid, Paul Newman – mon mari imaginaire, désolée Joanne Woodward ! (rires) Je suis aussi admirative de Jessica Lange dans tous ses films ou presque. Puis, à l’adolescence, quand j’ai eu mon propre ordinateur, j’ai découvert seule Virgin Suicides, Une vie volée. Ces films de filles tristes, introspectives. Et je crois qu’on commence à retrouver un peu ça dans mon travail.

Vous avez des films français de chevet ?

Portrait de la jeune fille en feu est l’un de mes films préférés, tout court. Je n’oublierai jamais le choc quand je l’ai découvert. Et j’adore Les Parapluies de Cherbourg. Catherine Deneuve y est tellement sublime !

Silver Star. De Lola Bessis et Ruben Amar Avec Grace Van Dien, Troy Leigh- Anne Johnson, Tamara Fruits…  Durée 1h42. Sortie le 26 novembre 2025