Moins brutal que Barbare qui l’a révélé, le nouveau Zach Cregger lorgne tout autant du côté de Magnolia que la pure épouvante. Et nous tient en haleine en dépit d’une fin déceptive
Une voix off d’enfant plante le décor d’emblée. Cette petite ville de Floride qui ne s’est jamais remise d’une mystérieuse affaire que ce film va s’employer à nous raconter pendant 2h10 sans temps mort. La disparition inexpliquée la même nuit à la même heure de tous les enfants d’une même classe, à l’exception d’un seul petit garçon. Pourquoi ? Comment ? On doit ce point de départ que n’aurait pas renié un Stephen King à Zach Cregger, propulsé nouvel enfant terrible du cinéma d’horreur indé avec son premier long métrage solo (après des expériences tout sauf convaincantes en duo avec Trevor Moore dont l’épouvantable Miss Mars en 2009, nommé aux Razzie Awards), le sauvage et très politique Barbare débarqué sur la plateforme Disney + et instantanément entouré d’une aura de culte.
Tout en gardant un arrière- fond politique et sociétal (corruption policière, quête effrénée d’un bouc émissaire censé régler tous les problèmes…), Evanouis se révèle moins ouvertement brutal que son prédécesseur mais témoigne de l'ambition de son auteur de gravir une marche supplémentaire au lieu de se reposer sur ses lauriers. On pense ainsi beaucoup au Magnolia de Paul Thomas Anderson à la fois pour cette capacité à créer une ambiance fantastique sans passer par le gore ou la facilité des jump scares à gogo. Mais aussi par le parti pris d’un récit polyphonique à la structure éclatée où chaque personnage va livrer une des pièces de ce grand puzzle. L’institutrice que la vox populi semble tenir pour responsable avec accusation en sorcellerie à la clé (Juli Garner, phénoménale). Le père charpentier, inconsolable d’un enfant disparu (Josh Brolin, impeccable). Un flic local tentant plutôt mal que bien de se guérir de son addiction à l’alcool. Un cambrioleur camé se retrouvant par hasard au milieu de ce chaos. Le seul enfant non disparu de la classe. Et sa tante endeuillée venue s’installer chez ses parents.
Evanouis appartient à cette catégorie de films où le chemin vers le dénouement compte plus que la résolution en elle- même. Et on se régale devant le talent de Cregger à faire naître de la tension par des petits riens. A faire monter la pression par un scénario où ce qu’on projette grâce à une gestion au cordeau des hors- champs est toujours plus important que ce que l’on voit et par une mise en scène ample et élégante qui laisse la place à ses comédiens de s’exprimer. Cregger crée ainsi à l'écran un climat dépressif, mélancolique qui permet à l’épouvante de frapper encore plus fort quand elle surgit. Et ce d’autant plus qu’elle le fait sans jamais reposer banalement sur le simple effet de surprise. Dommage alors que la toute dernière ligne droite, celle des explications - qu’on ne spoilera évidemment pas - ne se situe pas à la hauteur de ce qui précède. Que tout paraisse trop immédiatement compréhensible et par ricochet trop simpliste. Mais même dans cette phase déceptive, des éclairs de mise en scène parviennent à ne pas tout gâcher. La marche était peut- être trop haute pour un deuxième film mais on a hâte de voir les suivants !
De Zach Cregger. Avec Julia Garner, Josh Brolin, Alden Ehrenreich… Durée : 2h08.







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