La cinéaste italienne revient en compétition avec un film envoûtant sur des pilleurs de tombes toscans.
Prenons Alice Rohrwacher au mot et donc à sa Chimère qui selon la mythologie est un monstre à l’hybridation animale. Son quatrième long-métrage après Corpo Celeste (2011), Les merveilles (2014) et Heureux comme Lazzaro (2018), annonce d’emblée sa part mystérieuse et nébuleuse où un récit poético-tortueux trouve son harmonie sur la durée, une fois délesté de ses multiples sous-couches.
Il est d’abord question d’un visage féminin qui apparait et disparaît. Le regard qui se dérobe en gros plan est amoureux. « Tu as remarqué le soleil nous suit ? » dit-elle à son amant subjectivé donc hors champ. Puis nous voyons le profil endormi d’Arthur (Le britannique Josh O’Connor), le jeune protagoniste de récit, confortablement installé dans un train. Le rêve ferroviaire s’invite d’emblée suggérant qu’un réveil possible aura les atours d’un fantasme. D’une chimère donc. A la fin le même Arthur jettera à la mer la tête d’une statue étrusque : « Tu n’es pas faites pour les yeux humains ! » Le spectateur se demande un peu s’il doit prendre ça pour lui.

L’action se passe dans les années 80, Arthur revient chez sa mère (Isabella Rossellini pas franchement convaincante en marâtre) en Toscane. C’est un archéologue d’un genre un peu particulier, capable de détecter des tombes étrusques cachés dans le sol à la seule force d’une intuition magique (Il tombe dans les pommes à l’endroit où il faut creuser) Le jeune homme est à la tête d’une bande de profanateurs de sépultures qui monnaye au plus offrant le fruit de leurs pillages. Contrairement à ses acolytes âpres aux gains, le jeune homme semble détaché du monde qui l’entoure, comme possédé ou plutôt dépossédé de tout, un pantin. Il y a aussi une jeune femme qui s’appelle Italia (Carol Duarte), aussi vivante que lui est vaporeux. C’est bien-sûr Italia qui réveillera l’endormi.
Tel son archéologue, Alice Rorhwacher a une façon singulière d’envisager la mise en scène et sa caméra semble se substituer à l’objectif d’un appareil photo en constante recherche du plan à capturer. D’où cette impression de flottement contrôlé. On frise l’afféterie d’auteure, et le montage n’est pas exempt de redondances, pour autant cette avancée faussement languide sied à ce film-rêve assumé.
La Chimère. D’Alice Rorhwacher. Avec : Josh O’Connor, Isabella Rossellini, Carol Duarte... Ad Vitam. Sortie le 6 décembre.
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