The Old Oak
Le Pacte

A 87 ans, Loach raconte dans The Old Oak une petite ville anglaise gangrénée par la paupérisation où l’arrivée de réfugiés syriens va tout à la fois diviser ses habitants et créer un sursaut d’humanité. Le film le plus poignant de toute la compétition.

Prix du Jury à trois reprises (Hidden agenda, Raining Stones et La Part des anges) et doublement Palmé d’Or (Le vent se lève en 2006 et Moi, Daniel Blake en 2016, Ken Loach est de retour dans ce festival de Cannes qui accompagne son oeuvre de cinéaste depuis sa première sélection à la Semaine de la Critique avec Kes en 1970.

Avec The Old Oak, il nous entraîne en 2016 dans un village du Nord- est de l’Angleterre, ex- cité minière gangrénée par un chômage massif où l’arrivée de réfugiés syriens va créer des tensions dans une population de plus en plus paupérisée. Et le cinéaste fait du pub local (le Old Oak qui lui donne son titre), de son patron (Dave Turner, magnifique, témoignant une fois encore du génie de Loach – qui l’avait déjà fait tourner dans Sorry we missed you – à propulser sous le feu des projecteurs des comédiens insensés vus nulle part ailleurs), tendre et usé, et de son amitié avec une de ces Syriennes férue de photographie la colonne vertébrale de son nouveau film à l’humanité qui vous serre le coeur et a fait naître nombre d’yeux rougis dans la salle, à l’issue d’un ultime plan bouleversant.

A 87 ans, Ken Loach ne désarme pas. Alors que les inégalités partout se creusent, il croit toujours à la possibilité d’un monde meilleur. Il refuse d’accepter que les damnés de la Terre se dévorent entre eux au lieu de se révolter contre ceux qui ont causé cette situation. Il a chevillé au corps et au coeur la certitude que l’humanisme des uns finira par triompher des saloperies fomentées par les autres, ceux qui cherchent en l’étranger le bouc- émissaire de leurs malheurs.

Cette utopie pourrait paraître forcée et tire- larmes, ses personnages sembler parfois archétypaux bien que reflétant une réalité profonde. Ses contempteurs – au premier rang duquel Libé qui martèle depuis toujours que l’Anglais fait des films de gauche pour des gens de droite – ne manqueront pas de l’éreinter à ce sujet. Mais chez Loach, du fait de tout son parcours d’homme et de cinéaste, cette utopie touche au sublime par sa profonde sincérité et son désir de marteler cette utopie jusqu’à son dernier souffle, de retisser un lien – trop souvent abîmé ou rompu - entre les combats de la gauche d’hier et ceux d’aujourd’hui. Comme un antidote à toutes ces passions tristes qui minent notre époque. Et s’il entrait dans l’histoire de Cannes en devenant le premier à gagner trois Palmes ? Le geste ne manquerait pas de panache !