Le Livre des solutions
The Jokers

Le réalisateur revient avec une comédie réussie bien qu'un peu complaisante à son endroit, où Niney joue son alter ego.

Tiens, un revenant. Huit ans que Michel Gondry n'avait plus fait de cinéma, préférant s'exiler aux Etats-Unis pour (re)faire de la publicité et des clips. Et si l'on en croit Le Livre des solutions, c'était la petite forme. Le sexagénaire fait son come-back avec un film qui ausculte son propre processus créatif à travers son alter ego, Marc (Pierre Niney), réalisateur fantasque réfugié dans les Cévennes : déçue par son dernier film encore inachevé, sa production tente de reprendre la main sur le projet pour limiter les frais, provoquant la fuite de Marc. Il s'emmure dans la maison de sa tante (Françoise Lebrun) nichée dans la campagne, accompagné par sa monteuse (Blanche Gardin), son assistante (Frankie Wallach) et l'homme à tout faire Carlos (Mourad Boudaoud).

Gondry signe un film vraiment très drôle, sorte d'autoportrait d'un cinéaste bipolaire - si ce n'est jamais clairement dit, c'est une évidence -, plongé dans le chaos de ses idées incessantes après l'arrêt de son traitement. Marc fait globalement suer tout le monde, réveille ses collaborateurs à 2 heures du matin parce qu'il a eu une illumination, les engueule avec une violence pas possible dès qu'ils ne se plient pas à ses lubies... Avant de s'excuser à contrecoeur dix minutes plus tard. Gondry ne s'épargne pas et dépeint son personnage comme un gamin capricieux enclin aux jérémiades, incapable de se confronter au monde réel (il met en place tous les stratagèmes possible pour éviter de terminer son film, au point de refuser d'en regarder le premier montage). Dans cette succession de hauts et de bas, Pierre Niney tient superbement la note entre accès de colère soudains et vrais moments de comédie.

GALERIE
The Jokers Films

Eloge de l'impro et de la bidouille

Malheureusement, Le Livre des solutions s'effondre quelque peu à mi-parcours, quand Gondry impose une histoire d'amour sans queue ni tête et commence à justifier tous les errements de son personnage par son génie (chacun passe l'éponge sur son comportement car Marc aurait en lui une folie poétique si puissante qu'elle dépasserait son irrespect). Cette peinture de lui-même entre artiste maudit et prodige farfelu finit par vampiriser le film, même si elle permet à certaines scènes démentes de surgir : à un moment, Marc se met en tête de composer lui-même la bande son de son long-métrage, alors qu'il n'a aucune formation musicale.

Mais comme son champ artistique ne connaît visiblement aucune limite, il loue un orchestre symphonique, ordonne au chef d'orchestre de quitter la pièce et commence à fredonner une mélodie, que les musiciens sont intimés de reproduire. Marc les guide avec son corps tout entier ("Si j'écarte les bras, ça veut dire plus fort. Si je me penche en avant, ça veut dire plus grave"), jusqu'à trouver la mélodie parfaite de façon totalement empirique, sur l'instant. Il faut un ego gros comme ça pour (s')écrire une scène pareille, mais avouons que cet éloge de l'impro et de la bidouille est absolument imparable.

Le Livre des solutions. De Michel Gondry. Avec Pierre Niney, Blanche Gardin, Françoise Lebrun... Durée: 1h42. Sortie le 13 septembre 2023