Cannes Jour 10
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Tous les jours, entre le film, l'interview et le fait du jour, le point à chaud en direct du 75e festival de Cannes.

L’acteur du jour : Benoît Magimel dans Pacifiction d’Albert Serra (En compétition)

Samedi dernier, il campait un survivant d’un attentat en pleine reconstruction dans Revoir Paris d’Alice Winocour, présenté à la Quinzaine des Réalisateurs. Et cette après-midi, il montait les marches pour Pacifiction, le film aussi étrange qu’envoûtant d’Albert Serra où il incarne un Haut-Commissaire de la République en poste à Tahiti face aux rumeurs grandissantes de la reprise sur place des essais nucléaires français. Deux films et deux rôles aux antipodes… mais un seul et même acteur : Benoît Magimel. Un charisme dément, un jeu d’une limpidité fascinante, une aisance à évoluer sur tous les terrains comme s’il en connaissait chaque parcelle. Dans le film de Serra, on pourrait le croire échappé des pages d’un roman de Joseph Conrad. Il habite l’espace avant même d’avoir prononcé le moindre mot. Et semble instantanément avoir fait sienne la méthode pourtant particulière du cinéaste (des dialogues soufflés à l’oreillette). Après son César voilà quelques mois pour De son vivant, on rêve de le voir décrocher un deuxième prix d’interprétation cannois 21 ans après celui pour La Pianiste. Ce n’est arrivé que trois fois dans l’histoire du festival avec Dean Stockwell, Marcello Mastroianni et Jack Lemmon. Il ferait si belle figure dans ce club très chic.

L'interview du jour : Hirokazu Kore-Eda pour Les Bonnes étoiles (En Compétition)

Le cinéaste japonais - Palme d’or 2018 pour Une Affaire de famille - revient à Cannes, en compétition officielle, avec Les Bonnes étoiles, un petit chef d'oeuvre d'émotion qui observe une fois de plus une famille dysfonctionnelle. Mais pour ce film, Kore-Eda est allé tourné en Corée avec la star Song Kang-ho.


 

La citation du jour : « On se like mais est-ce qu’on s’aime vraiment ? » de Diam’s dans Salam (Séances spéciales) co-signé Diam’s, Houda Benyamina et Anne Cissé.

Produit par Brut, l’un des partenaires du festival, Salam est un portrait-confession de l’ex-rappeuse à succès retirée du showbiz depuis 10 ans pour une vie entièrement tournée vers la spiritualité. Diam’s redevenue Mélanie s’est convertie à l’islam après ce qui ressemblait à une sévère dépression. Soudain voilée, les médias ont surréagi, obligeant l’intéressée à s’effacer un peu plus dans sa bulle, loin de la foule déchainée. 10 ans ont donc passé. Elle parle ici face caméra, s’épanche et balance des punchlines en forme de haïku du genre : « La salle état pleine, j’étais vide... », ou encore : « on se like mais est-ce qu’on s’aime vraiment ? ». A cette dernière question, Diam’s a trouvé la réponse. Le film laisse la parole à des proches - tous aimants - et suit Mélanie dans sa vie associative ou, plus étonnant, sur la proue d’un catamaran face à des dauphins. Bref Diam’s, c’est l’anti-Elvis.  


 

L'animal (disparu) du jour : le dodo moche de Dodo (Cannes Première)

Mais qu'est-ce que t'as dodo, dis donc ? Panos H. Koutras, rien de moins que le réalisateur grec de L'Attaque de la moussaka géante, venait présenter son Dodo dans la sélection « à boire et à manger » du festival : Cannes Première. Dodo, comme son nom ne l'indique pas, est l'histoire d'un couple au bord la ruine qui s'apprête à célébrer le mariage de leur fille avec un riche héritier, histoire de littéralement sauver les meubles. C'est là que se pointe dans le jardin un dodo, animal censé avoir disparu de la surface de la Terre il y a 300 ans... Le rapport entre les deux ? Absolument aucun, et c'est sûrement le plus gros problème d'un film qui aimerait allier loufoquerie totale et comédie de mœurs sur la crise grecque. Reste un petit plaisir pervers de spectateur à observer ce dodo numérique parfaitement moche à l'extérieur foutre la trouille à des humains au moins aussi laids à l'intérieur.

 

Le film du jour : Close de Lukas Dhont (en compétition)

Plus de dix minutes de standing ovation ont salué ce soir l’entrée en compétition du lauréat de la Caméra d’Or 2018 avec Girl. L’histoire d’une amitié fusionnelle entre deux gamins, brisée par une tragédie, à travers laquelle Lukas Dhont prouve une fois encore son aisance sur le terrain du mélo pudique, conscient que la force émotionnelle de l’épreuve vécue par ses personnages serait trahie par toute dérive larmoyante. Le cinéaste installe ici très vite le lien qui unit ces deux mômes de 13 ans. Une amitié fusionnelle et très tactile qui, au moment de la sortie de l’enfance pour entrer dans les heures tumultueuses de l’adolescence, leur vaut d’être pointés du doigt par certains de leurs petits camarades. Les mots « pédale » ou « tapette » commencent à fuser. Pas dans la bouche de tous – nombreux sont celles et ceux qui, à l’inverse, prennent leur défense – mais suffisamment pour commencer à créer une distance entre eux deux. Léo s’éloigne et Rémi ne comprend pas, souffre, enrage, avant de ne plus supporter de vivre. Close devient alors un film sur la culpabilité de celui qui reste où Dhont joue des ellipses pour ne jamais verser dans l’insoutenable, quitte parfois à retenir un peu trop artificiellement les chevaux. Et comme il l’avait fait avec Victor Polster dans Girl, il révèle deux jeunes comédiens saisissants, Eden Dambrine et Gustav de Waele, tout en franchissant non sans superbe le cap toujours délicat à négocier du deuxième long.

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