Les amours d'Anaïs de  Charline Bourgeois-Tacquet
Haut et Court

Son énergie et son espièglerie soufflent avec bonheur sur ce premier long métrage très séduisant, présenté à la Semaine de la Critique. Rencontre.

En 2019, Anaïs Demoustier campait dans Pauline asservie - le court métrage de Charline Bourgeois- Taquet présenté à la Semaine de la Critique - une jeune femme tout à son obsession amoureuse, au bord de la crise de nerfs dans l'attente d'un texto de son amant, marié.

Deux ans plus tard, la revoici dans le rôle- titre des Amours d'Anaïs, le premier long de la même réalisatrice qui a une fois encore eu les honneurs de la Semaine de la Critique. L'actrice y joue une amoureuse aussi passionnée qu'obsessionnelle dont le coeur s'emballe tour à tour pour un éditeur puis pour sa femme. Et dans ce voyage revigorant et ludique sur la carte du Tendre, Anaïs Demoustier offre une composition enlevée, espiègle qui donne un charme fou à ce récit.

Sautez encore deux années, et voici Les Amours d'Anaïs programmé sur Arte. pour patienter jusqu'à sa diffusion, à 20h55, nous repartageons notre interview de l'actrice rencontrée à l'été 2021.

Les amours d'Anaïs de  Charline Bourgeois-Tacquet
Haut et Court

Comment s'est faite votre rencontre avec Charline Bourgeois-Tacquet ?

Anaïs Demoustier: Voilà trois ans, grâce à mon frère Stéphane qui produisait son court Pauline asservie. Charline lui a tout de suite dit qu'elle aimerait me proposer le rôle titre mais qu'elle n'osait pas m'appeler car elle ne savait pas si je tournais encore des courts. Et mon frère qui me connaît bien lui a dit de ne pas hésiter car il était sûr que j'allais adorer. Et il avait vu juste !

Qu'est ce qui vous avez plus précisément séduit dans son scénario ?

Je me suis sentie immédiatement proche de ce personnage de Pauline dont la Anaïs du long métrage constitue en quelque sorte le prolongement. Mais surtout ce court puis le long m'ont permis de travailler des choses que je n'avais pas encore travaillé au cinéma: une rapidité, une vivacité, un personnage à ce point physique. Et ce tout en explorant cette contradiction paradoxale existant chez ces deux jeunes femmes qui réfléchissent beaucoup avec une grande capacité d'analyse mais se retrouvent totalement débordées par leurs émotions. Des personnages à la fois hyper cérébraux et totalement instinctifs Anaïs - comme Pauline - est une amoureuse au sens le plus violent du mot, avec une soif d'absolu permanente. Et tout cela est brillamment servi par la qualité et des dialogues de Charline Bourgeois-Tacquet. C'est une vraie auteure avec une langue singulière.

Cette énergie dont vous parlez est aussi épuisante pour ceux qui la côtoient dans le film - et le lui font d'ailleurs remarquer - mais aussi pour le spectateur. Comment est- ce qu'on joue un personnage qui peut vite passer pour insupportable ?

C'était sans doute le plus difficile pour moi ici. J'avais forcément envie de la rendre sympathique mais dans ce cas- là, j'aurais perdu le rôle. J'en ai vite conclu que la meilleure façon de pouvoir incarner cette Anaïs sans la juger, c'était de la comprendre, elle et ses névroses étranges. Je pense à cette scène où elle balaie la question de l'avortement quasiment en rigolant, une réaction qui exprime une manière de se défendre. Anaïs fait partie de ces gens qui vulgarisent le drame car ils ne peuvent pas ouvrir cette porte- là et ne veulent pas que leurs interlocuteurs creusent ces sujets. Tout cela peut la rendre brutale. Mais moi je trouve beau quelqu'un de franc qui ne calcule jamais (sauf des calculs foireux) et n'a pas en elle une once de cynisme et d'ironie. Et j'adore qu'elle ne se sente jamais intimidée par son propre désir et sache l'exprimer

Quand Charline Bourgeois-Tacquet a t'elle commencé à vous parler du long ?

Très vite après le court, elle m'a dit qu'elle écrivait un long métrage dans la même veine. Et j'ai eu la chance de pouvoir échanger avec elle pendant l'écriture, dans une place inédite pour moi, où je l'ai incitée à ne pas perdre la comédie à l'intérieur de l'histoire d'amour qu'elle souhaitait développer. Je voulais qu'elle garde le côté tornade du personnage et Charline s'y est superbement employée en créant un magnifique trajet à Anaïs, entre les premiers instants du film très énergiques et ces moments où elle va se retrouver dépassée par son coup de foudre pour le personnage incarné par Valeria Bruni-Tedeschi qui révèle chez elle une profondeur, une certaine gravité qu'elle essayait de masquer...

C'est facile d'accompanger ainsi un personnage d'un court à un long, même s'il n'est pas exactement le même ?

C'est là encore un travail inédit pour moi. Mais plus encore que les correspondances entre ces deux personnages, ce sont les correspondances entre elles deux et moi que j'ai trouvé folles. Je ne compte plus le nombre de phrases qu'elles prononcent et que j'aurais pu spontanément dire. Je ressens une familiarité avec ce qu'elles sont, leur énergie, leur débit de paroles. Cette Anaïs est vraiment très proche de moi par son énergie et Charline dresse un peu un portrait de moi à travers elle.

Qu'est ce qui caractérise Charline Bourgeois-Tacquet à vos yeux ?

Sa manière de tourner qui consiste à extrêmement contraindre les acteurs. Tout est très chorégraphié. Il n'y a de la place pour aucune improvisation tant dans le texte que dans les déplacements. Tout est sous contrôle. Je sais que certains comédiens détestent ça. Mais moi ce métier me passionne justement parce qu'il me confronte à des metteurs en scène aux méthodes à chaque fois différentes et dans lesquelles je vais réussir, comme ici, à trouver énormément de liberté.