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C’est souvent dans les marges que le cinéma offre la plus grande variété et la plus grande invention. Fabrice du Welz représente bien cette indépendance qu’il défend avec une voix forte, libre et intransigeante. Cette année, il a signé Colt 45, un film de commande qui lui a échappé, et le superbe Alleluia, très apprécié dans les festivals mais un peu sacrifié par l’exploitation. Depuis Los Angeles, où il tourne son prochain film, il a accepté de revenir sur cette année 2014.Etait-ce difficile de revenir à un film personnel comme Alleluia ?Après l’expérience de Colt 45, il était important pour moi de revenir à quelque chose de personnel. C’était vraiment fondamental. J’avais la chance que le film soit déjà financé avant la fin de Colt 45, donc je pouvais tout de suite enchaîner. Avec un film comme Alleluia qui ne coûte pas grand chose –à peine 2M€- et qui est produit par plusieurs pays, j’ai une liberté et une autonomie complètes. Après, l’exploitation est une autre histoire. Vincent (Paul-Joncour), le patron de Carlotta qui distribue Alleluia, me disait combien les choses ont changé en dix ans, surtout chez les exploitants, qui ne veulent plus de violence ni d’interdiction aux moins de 16 ans. Aujourd’hui, l’uniformisation règne. Alleluia n’est donc pas distribué dans les salles UGC, et sort dans une toute petite combinaison. Ce n’est pas grave en soi, le film aura toujours une vie en DVD en VOD, à la télé, dans les festivals. Mon objectif, c’est de faire des productions personnelles et particulières, ou alors des films de commande, mais avec des gens compétents.Peux tu parler de Message from the king que tu tournes actuellement aux Etats-Unis?Le film est produit par David Lancaster, le producteur de Drive, Nightcrawler et Whiplash, et Stephen Cornwell (Un homme très recherché). C’est un film très noir avec une sensibilité 70 qui fait référence à Get Carter, Point Blank ou Hardcore de Schrader. Je tourne à Los Angeles avec Chadwick Boseman qui était dans le biopic de James Brown et sera le Black panther pour Marvel. Il joue un Sud Africain qui débarque à LA à la recherche de sa sœur, et la retrouve à la morgue complètement mutilée. Après enquête, il découvre qu’elle a basculé dans des réseaux durs de prostitution, et il va commencer un travail de deuil. Le film est assez brutal et émotionnellement très fort. Je suis très heureux de le faire. Le projet est assez cohérent, les acteurs s’investissent et je suis bien entouré. Avec l’expérience, j’essaie d’éviter tout ce qui est destructeur, je fais plus attention, et je n’essaie plus de passer en force. Si j’ai 2 millions, je n’essaie pas de faire comme si j’en avais 4. Quels films t’ont marqué cette année ?J’ai trouvé formidable Le petit quinquin de Bruno Dumont, j’ai adoré Foxcatcher,  beaucoup aimé Nightcrawler – la performance de Jake Gyllenhaal est hallucinante. Je dois aussi mentionner un film autrichien vraiment incroyable, Goodnight Mommy de Severi Fiala et Veronika Franz. Et malgré quelques passages un peu nauséeux à cause de la 3D, j’ai beaucoup aimé Adieu au langage de Jean-Luc Godard, un film hors de toutes les normes, de tous les réseaux. C’est incroyable d’arriver à faire ce genre de film d’une vitalité et d’une fraîcheur inouïes. Whiplash aussi, remarquable d’intensité et de simplicité.Interview Gérard DelormeBande annonce d'Alleluia, toujours dans les (quelques) salles : Lire aussi : Alleluia, un film d'amour fouLaurent Lucas : "Rien ne m'effraie dans une scène"