Last Flag Flying (2018)
Metropolitan Filmexport

De quoi patienter avant de découvrir le nouveau film de Richard Linklater.

En 2003, un vétéran du Vietnam retrouve deux anciens camarades et leur demande de l’accompagner en voyage : il doit ramener chez lui la dépouille de son fils, mort en Irak… Sur ce canevas d’une sobriété désarmante, le réalisateur Richard Linklater (Boyhood, Rock Academy…) a brodé un superbe road-movie automnal, une odyssée à taille humaine sur le deuil et le passage du temps. Le film sort dans les salles cette semaine, et voici quelques titres à réviser d’ici là.

La Dernière Corvée (Hal Ashby, 1973)

Columbia Pictures

 

Last Flag Flying est adapté d’un roman de Darryl Ponicsan, publié en 2005 et conçu comme une suite de La Dernière Corvée, bouquin culte des seventies libertaires et antimilitaristes. En 1973, La Dernière Corvée avait inspiré un film éponyme à Hal Ashby, dans lequel trois marins (dont Jack Nicholson) taillaient la route au fil d’une intrigue prétexte, se bagarraient, se chambraient, allaient au bordel, et dévoilaient petit à petit leur détresse existentielle… Peu connu en France, le film, écrit par le légendaire Robert Towne, est considéré aux Etats-Unis comme un fleuron du Nouvel Hollywood, et est entré dans les livres d’histoire pour son usage record (à l’époque) du mot “fuck”. Etant donné qu’il met en scène des acteurs différents, Last Flag Flying ne peut pas être considéré comme une véritable suite de La Dernière Corvée. Mais si vous trouvez que Bryan Cranston y a des intonations à la Jack Nicholson, ce n’est peut-être pas une coïncidence…

Un jour dans la vie de Billy Lynn (Ang Lee, 2017)

Sony

 

Histoire de trois anciens du Vietnam qui enterrent un soldat tombé en Irak, Last Flag Flying entremêle les échos de deux conflits différents, dans une réflexion sur l’éternelle désillusion américaine, subie par les générations successives que l’Oncle Sam envoie au casse-pipe. Ce qui en fait un complément de programme idéal au récent et sublime Un jour dans la vie de Billy Lynn, qui sondait le vertige extistentiel d’un G.I. devenu mascotte nationale malgré lui. Genre mal aimé par le public US (sauf quand Mark Wahlberg ou Clint Eastwood s’en chargent), le “film sur la guerre d’Irak” vient donc de produire deux beaux spécimens coup sur coup. Deux films critiques au goût de cendres.

Jardins de Pierre (Francis Coppola, 1987)

TriStar

 

Last Flag Flying est un film de guerre un peu à part, qui raconte les conflits américains depuis l’arrière, envisageant les combats comme un écho assourdi et lointain, et examinant comment la douleur se transmet des pères aux fils. Soit à peu de choses le programme de Jardins de Pierre, beau film un peu oublié de Coppola, qui racontait le quotidien de l'officier responsable du cimetière militaire d’Arlington, en 1969, au pic de la guerre du Vietnam. Une sorte d’anti-Apocalypse Now, grave et triste, qui montrait la guerre comme une succession ininterrompue de deuils impossibles et absurdes.

Slacker (Richard Linklater, 1991)

Detour Filmproduction

 

Des gamins glandent dans les rues d’Austin, Texas. Un film fondateur du nouveau cinéma indépendant américain. “Il n’y a pas d’histoire, juste des gens qui parlent en marchant et se passent le relais au gré de leurs déambulations”, résume Richard Linklater, qui pourrait presque dire ça de la quasi-totalité de son oeuvre. Près de trente ans et vingt films après, le réalisateur est resté fidèle à cette conception du cinéma comme odyssée de la parole, succession de moments laid-back, en creux, habités par des personnages caractérisés par leur tchatche et leur goût du voyage. Une conception “Rio Bravo” du cinéma (Rio Bravo étant le prototype du hang-out movie, comme dirait Tarantino) et qui s’applique encore une fois très bien à Last Flag Flying, un film qui repose avant tout sur le plaisir monstre qu’on éprouve à traîner avec Steve Carell, Bryan Cranston et Laurence Fishburne.

Nous irons tous au paradis (Yves Robert, 1977)

Gaumont

Encore plus cool que le genre du film de potes : le genre du film de retrouvailles de potes, où les héros du premier film se retrouvent avec des cheveux blancs et en pleine mid-life crisis. Et, dans le genre, on n’a jamais fait mieux que Nous irons tous au paradis, la suite d'Un éléphant ça trompe énormément, qui sublimait l'idée qu’une comédie sur une bande de copains pouvait se laisser envahir par un feeling doux-amer, et que, plutôt que de simplement foutre le cafard, tout ça rendrait peut-être les vannes plus drôles, les sentiments plus vrais. Last Flag Flying partage cette tonalité-là, et le constat que le temps passe, oui, mais qu’on n’est pas forcément obligé d’essayer de le retenir. Logique venant d’un cinéaste qui a filmé les mêmes acteurs pendant douze ans d’affilée (Boyhood) et scrute le couple Julie Delpy-Ethan Hawke depuis 1995 (la trilogie Before). Le temps passe, oui, et jamais autant que dans les films de Richard Linklater.

Last Flag Flying, en salles le 17 janvier. Bande-annonce :