Toutes les critiques de Fortunata

Les critiques de Première

  1. Première
    par Michaël Patin

    Coiffeuse à domicile sillonnant la banlieue de Rome sur ses talons hauts, mère déboussolée d’une petite fille de 8 ans, presque divorcée d’un mari abusif et violent, Fortunata porte à première vue mal son nom. Ni fortunée, ni chanceuse, elle s’inscrit dans une longue tradition de portraits de mères courage, toujours au bord de la crise de nerfs mais animées d’une force vitale que rien ne peut arrêter. Une tradition que Sergio Castellitto endosse sans complexe en multipliant les références : le quartier est celui où a été tournée Mamma Roma de Pasolini ; la présence de Hanna Schygulla en comédienne sénile signe sa nostalgie du cinéma de Fassbinder, Ferrerri ou Scola ; les scènes de joutes libidineuses et de corps-à-corps échevelés semblent tout droit sorties de l’univers d’Almodóvar. Ajoutez à cela une bonne dose de variété pop et d’embardées surréalistes façon Sorrentino, et vous obtenez un cocktail postmoderne très chargé qui, pour chaque montée d’adrénaline, doit négocier la descente conséquente. Un film d’excès (de clins d’oeil, de symboles, de psychanalyse, de misère sociale bariolée), jamais loin de l’implosion, qui se maintient en calant son pas sur celui de son actrice. Volcanique mais tout en nuances, Jasmine Trinca (passée chez Moretti, Giordana, Placido ou Bonello) donne âme et épaisseur à Fortunata et permet aux autres personnages d’exister (dont son meilleur ami, un junkie bipolaire écrasé par son complexe d’OEdipe). C’est elle la vraie chance de ce film, l’ancre qui l’empêche de sombrer dans le pompiérisme, la gardienne de sa fantaisie et de sa mélancolie.