HBO

Le blockbuster de HBO est de retour. Par définition, cette série sur un parc d’attractions où tout est permis a des capacités d’expansion infinie. Avec cette question à l’horizon : Westworld peut-elle vraiment devenir le nouveau Game of Thrones ?

"S’il vous plaît, c’était juste un jeu, nous sommes désolés", hurle un invité non satisfait et non remboursé de Westworld (une corde au cou, en équilibre précaire sur une tombe). C’était toute la tension de la saison 1 de la série de Lisa Joy et
 Jonathan Nolan, faire le grand écart entre le pitch le plus ludique qui soit – un parc d’attractions en forme de western où assouvir ses instincts primaires – et des considérations philosophiques sur la réalité et la conscience, à mesure que les androïdes qui peuplent les lieux découvrent leur humanité après maintes souffrances, leur héroïne pasionaria ne s’appelant pas Dolores pour rien. La saison 1 de Westworld évoquait nécessairement une démo de jeu vidéo, comparaison nullement rabaissante tant la série est influencée par ses codes (GTA en tête), son world building et l’ivresse de liberté, de tuer sans conséquences (c’est l’anti-Ready Player One). Heureusement, HBO déployait les grands moyens : décors panoramiques et casting impeccable (Anthony HopkinsJames MarsdenThandie Newton et surtout le triplé Evan Rachel WoodJeffrey Wright et Ed Harris). Plutôt que de s’amuser, le spectateur avait l’impression de lire un plan/mode d’emploi du parc, certes luxueux, un peu plombé lorsqu’on y verbalise l’intelligence artificielle, mais assez séduisant lorsqu’il se perd dans les méandres des mémoires des « hôtes » (les androïdes du parc) dont les mises à jour et redémarrages sont assimilées à des vies antérieures.

Westworld : nouvelle promo brutale pour la saison 2

ALAMO.

Le sous-titre de la saison 1 était Le Labyrinthe ; celui de la saison 2 est La Porte. L’issue de secours naturelle de la série était, comme dans le film de Michael Crichton dont elle s’inspire, la révolte tant attendue des "hôtes", massacrant les humains façon Red Wedding dans Game of Thrones. HBO a l’air de compter sur Westworld pour devenir le successeur de son blockbuster : cette saison 2 parle d’armées et compte un siège à la Alamo, mais manque encore de dragons et autres armes secrètes pour retrouver le souffle de George R. R. Martin. Mais la série s’assume enfin ici comme western quand ses personnages se dispersent en sous-intrigues pour conquérir un territoire ou repousser la nouvelle frontière. Ainsi, Dolores (Evan Rachel Wood) assume son virage Arya Stark, ambitionne de tenir Westworld contre l’invasion des forces de sécurité du parc et rêve de ce qu’il y a au-delà (notre monde). Des cinq épisodes qui nous ont été montrés, sa trajectoire est la plus intéressante, tant par son gang bigarré – l’impitoyable Armistice (Ingrid Bolsø Berdal) et le trop gentil Teddy (James Marsden) – que par la rage froide qui anime la superbe performance de Wood. De son côté, Maeve (Thandie Newton), à la recherche de sa fille, se fait son remake de La Prisonnière du désert ; l’Homme en noir (Ed Harris) a débloqué son niveau personnel aux airs de western spaghetti ; Bernard (Jeffrey Wright) se fait ses Mystères de l’Ouest (l’épisode La Nuit de l’amnésique), très inquiet par ce qu’il a oublié et ce dont il croit se souvenir. Mais on reste bien sûr dans une série de Jonathan Nolan (Person of Interest)produite par J. J. Abrams : il faut compter avec des flash-back et lignes temporelles différentes, qui creusent la genèse de Westworld, une autre vie antérieure de Dolores et le passé de William (Jimmi Simpson). La possibilité de rebooter à volonté les "hôtes", leur injecter une nouvelle personnalité ou nouvelle mémoire, et l’existence d’un nouveau type d’androïdes devraient assurer un carburant narratif pour les futures saisons.

Westworld : va-t-on passer beaucoup de temps à Shogun World dans la saison 2 ?

DES COLTS ET DES KATANAS. 

Le sérieux de la saison 1 se logeait aussi dans son discours "méta" plutôt mécanique où, si on ne l’avait pas compris, le fonctionnement du parc était caractérisé par le vocabulaire sériel – avec les "hôtes" affublés d’arcs narratifs et le libidineux scénariste en chef Lee Sizemore (Simon Quarterman), caution comique pathétique et métaphore du showrunner. La saison 2 aère cela dans tous les sens, en faisant découvrir d’autres parcs thématiques, dont un Rudyard Kipling World et surtout un Shogun World : "Ça a l’air familier", dit un personnage en découvrant le monde médiéval nippon, scénaristiquement calqué sur Westworld, avec les katanas à la place des colts. Un pied de nez moqueur à la panne d’inspiration du scénariste, à l’appropriation culturelle, au recyclage des séries, mais qui célèbre aussi la parenté entre le western et le film de samouraï (John Ford et Akira Kurosawa, même combat) et des possibilités illimitées de mixage de genres qu’on voudrait voir dans de futures saisons : HBO, la chaîne où les cowboys affrontent des ninjas ?