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Arte se lance dans un genre unique dans la fiction hexagonale. Et le pari est gagnant.

La série française se rebelle. Finies les petites intrigues policières à papa, ciblant ostensiblement la ménagère de moins de cinquante ans. Les chaînes nationales osent, et Arte a franchi un nouveau cap en proposant Trepalium, la toute première série dystopique à la française.


Mais c'est quoi une série dystopique nous direz-vous ? La dystopie, c'est la peinture d'une société imaginaire, généralement dans un futur proche, où une idéologie dangereuse a fini par éteindre la simple notion de bonheur. Une contre-utopie, en quelque sorte. Un genre que la littérature et le cinéma SF explorent depuis de nombreuses années. C'est le Metropolis de Fritz Lang (1927), le Fahrenheit 451 de François Truffaut (1964), le Blade Runner de Ridley Scott (1982) ou encore le Bienvenue à Gattaca d'Andrew Niccol.

Sur le petit écran, les Anglo-saxons ont déjà livré quelques séries dystopiques de tout premier ordre, comme 12 Monkeys (adaptation du film de Terry Gilliam L'Armée des 12 Singes) et surtout Black Mirror, série britannique fascinante, qui traite des conséquences de notre développement technologique. Désormais, la France aussi à sa série dystopique de référence.

Dystopie sociale

Avouant volontiers s'être inspirés de films comme Les Fils de l'Homme, Gattaca, ou même Hunger Games, les créateurs de Trepalium, Antares Bassis et Sophie Hiet, ont fait le pari d'une œuvre dystopique très sociale. Une série d'anticipation qui raconte ce que la société française pourrait devenir, si le travail continue à devenir une denrée toujours plus rare. Une société où 80% de la population est sans emploi. Où la fracture sociale se matérialise par un mur, séparant les actifs des inactifs. Où la rébellion des chômeurs se vit comme un acte de résistance, face à un gouvernement qui a choisi de les exclure littéralement. Une vision effrayante du futur, qui a une résonance toute particulière à l'heure où la courbe du chômage fait transpirer les gouvernements successifs.

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Parce qu'on peut tous s'identifier au très sombre avenir qu'elle dépeint, Trepalium est une série dystopique incroyablement réussie. Il faut dire qu'au-delà du propos, le réalisateur belge, Vincent Lannoo, filme un monde à la fois futuriste et passéiste, en soignant une esthétique glaciale. Il a su utiliser au mieux son budget rikiki (6 millions d'euros) en tournant la plupart des scènes entre le siège du Parti Communiste (designé par Niemeyer) et le site François Mitterrand de la Bibliothèque Nationale de France. Le résultat visuel est bluffant et participe sans conteste au succès de Trepalium.

Arte a osé, son pari est gagnant. On regrette déjà qu'aucune saison 2 ne soit prévue, puisque Trepalium a été conçue comme une mini-série fermée, en six épisodes. Mais la chaîne franco-allemande pourrait envisager d'en faire une anthologie, évoquant par la suite d'autres tourments de notre société. Comme Black Mirror. La fiction française tient bien sa référence dystopique.

Trepalium, d'Antares Bassis et Sophie Hiet, réalisée par Vincent Lannoo, avec Léonie Simaga, Pierre Deladonchamps, Ronit Elkabetz et Charles Berling. Six épisodes diffusés jusqu'au 18 février sur Arte.