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Et George R.R. Martin à l'écriture, bien avant Game of Thrones.

Alors qu'Emma Watson s'apprête à faire péter le Box Office français dans sa version 2017 de La Belle et la Bête, on se souvient qu'il y a 30 ans, c'est Linda Hamilton qui jouait les jeunes ingénues romantiques, tombée sous le charme animal de cet homme à tête de lion.

Nous sommes en 1987. La chaîne américaine CBS lançait alors la toute première série adaptée de ce conte ancestral, popularisé en France au XVIIIe siècle.

Avant même que Disney ne fasse danser chandeliers et tasses de thé (le film animé ne sortira en salles qu'en 1991), les téléspectateurs du monde entier découvraient avec passion cette grande histoire d'amour impossible, très inspirée par la version de Jean Cocteau (1946), mais résolument moderne. C'est à Manhattan que se déroulait cette série La Belle et la Bête, racontant l'histoire de Catherine Chandler, une avocate sauvagement attaquée à Central Park et laissée pour morte, qui sera sauvée par Vincent, une créature aussi sensible qu'animale, aussi monstrueuse que cultivée, habitant un riche monde souterrain, sous la Cinquième Avenue.


LE CASTING

Fraîchement révélée au grand public pour son rôle de Sarah Connor dans le tout premier Terminator (1985), Linda Hamilton rangeait ses flingues au placard pour enfiler une robe de princesse et incarner une Belle moderne et attachante, qui lui vaudra plusieurs nominations aux Golden Globes et aux Emmy Awards. Face à elle, on retrouvait un illustre inconnu : Ron Perlman. Apparu brièvement chez Jean-Jacques Annaud (dans La Guerre du Feu et Le Nom de la rose), il explosera, à l'âge de 37 ans, grâce à ce premier rôle majeur :

"C'est un projet qui reste très cher à mon cœur", confie aujourd'hui l'acteur dans une tribune sur le site The Hollywood Reporter. "Quand j'ai eu le rôle de Vincent, je traînais à Hollywood depuis un certain temps, mais je n'avais pas encore fait mon trou (...) Il y a quelque chose qui m'a profondément ému dans cette histoire. L'idée de cette chose impie à l'extérieur, mais tellement douce, innocente et précieuse à l'intérieur. Cela représentait assez bien le sentiment que j'avais personnellement étant enfant. Je n'ai jamais eu une image particulièrement positive de moi-même, physiquement, mais j'avais l'impression qu'il y avait quelque chose à l'intérieur, que je pouvais partager avec le monde (...) L'histoire de La Belle et la Bête a été racontée maintes et maintes fois, comme on le voit avec les versions Disney. Ça ne vieillit jamais. Mais celle qui me parle le plus, c'est le film Jean Cocteau, l'un des plus grands chefs-d'œuvre cinématographiques de tous les temps. Je l'ai regardé, encore et encore, lorsque nous tournions la série..."

PAR LES AUTEURS DE GAME OF THRONES... ET HOMELAND !

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Si Ron Koslow est le créateur officiel de cette adaptation télé, l'histoire retiendra qu'un jeune trio d'écrivains s'est fait la main, au coeurs des années 1980, sur La Belle et la Bête. Bien avant de se lancer dans Game of Thrones, George R. R. Martin n'était qu'un petit auteur de télévision de 40 ans, quand il a commencé à travailler pour le show. "Ron Koslow était le créateur. C'était son idée de resituer ainsi l'histoire dans le monde contemporain de New York. Il aimait dire que cette ville était un endroit mythique. Il a écrit le premier script et il a tourné le pilote. C'était excellent, mais le concept était tellement étrange, que personne ne pensait que ça allait réellement devenir une série", se souvient Martin dans THR.

Au total, l'écrivain signera 11 des 54 épisodes de La Belle et la Bête. Il sera aidé dans sa tâche par deux autres jeunes loups du petit écran américain : Howard Gordon et Alex Gansa, le duo à qui l'on doit depuis 24 Heures Chrono et Homeland. "On les appelait les gosses ! Ils commençaient tout juste dans le business."

Et si vous voyez un rapport entre Game of Thrones et La Belle et la Bête... vous êtes bien les seuls ! "Ce sont deux shows très différents. Je pense que l'expérience que j'ai acquise à l'époque m'a servi plus tard, y compris sur Game of Thrones. Mais je crois qu'il n'y aucun rapport direct entre les deux", tranche Martin.

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LA FIN RATÉE DE LA SÉRIE

En 1990, la série est devenue un classique populaire. Elle est suivie chaque semaine par près de 10 millions d'Américains et conquiert la planète petit à petit. On peut par exemple la voir en France sur La Cinq, puis TF1. Mais au beau milieu de la saison 3, La Belle et la Bête prend fin. Soudainement, la jolie Catherine est tuée et le show se termine de manière brutale. Une conclusion qui reste encore en travers de la gorge des fans de l'époque, dont beaucoup ont carrément choisi d'ignorer l'existence de cette troisième saison : 

"Linda Hamilton a décidé de quitter la série, c'est aussi simple que ça", explique George RR Martin. "Je pense que Linda a été aussi surprise que quiconque quand le show a été commandé. On ne s'y attendait pas. On a gagné notre place dans la grille après la première saison, mais Linda voulait revenir au cinéma, faire des films. Et elle voulait aussi un enfant. Je ne vais pas entrer dans les détails de son contrat, mais quand l'occasion s'est présentée de quitter la série, elle est partie."

Dès lors, les auteurs ont été confrontés à un choix cornélien : "Soit on castait une autre actrice pour jouer Catherine, soit on la tuait. Et nous avons choisi de la tuer, parce que c'était plus dramatique, plus conforme avec le ton de notre histoire".

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"UNE SÉRIE TELLEMENT INTELLIGENTE"

Reste qu'aujourd'hui encore, La Belle et la Bête demeure une série marquante, pour toute une génération. Mais aussi pour George RR Martin. Le créateur de la grande saga A Song of Ice and Fire garde un tendre souvenir de ce grand drama romantique : "Vincent était peut-être une bête, mais il était très érudit, et aimait toujours citer de la poésie. Il citait Shakespeare ! Cela a eu un effet énorme. Nous recevions même des lettres de bibliothécaires à travers le pays, qui nous expliquaient que les téléspectateurs cherchaient, après la diffusion, les poèmes récités par Vincent. C'était vraiment une série cultivée et intelligente".