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La rédaction de Première n'a pas boudé son plaisir en découvrant la saison 2 de Stranger Things. Toute la rédaction.... sauf une voix discordante.

Critique de la saison 2 de Stranger Things

Inconnus il y a un peu plus d’un an, les frères Duffer tutoient depuis les étoiles grâce au succès mondial de Stranger Things, qui en a instantanément fait des rock stars du petit écran. Le succès de ces Goonies 2.0 (une enquête sur des phénomènes paranormaux menée par une bande de jeunes dans une bourgade paumée) ne doit rien au hasard : depuis J.J. Abrams, on sait que la nostalgie des eighties constitue un puissant accélérateur de particules émotionnelles pour les fans originels et leurs enfants qui appartiennent à une génération spontanée de geeks redevables à cette décennie où naquit le principe des blockbusters et des franchises. Nés en 1984, les Duffer ont eux-mêmes à peine vécu en direct cette révolution copernicienne dont ils ont pourtant admirablement rendu concret l’héritage dans la saison 1 de Stranger Things, hommage appuyé et assumé aux productions Amblin de Spielberg & co. En huit épisodes frisant la perfection, ils ont créé un univers à la fois présent et rétro, proche et lointain, bardé de références plus ou moins identifiées par la majorité mais suffisamment incarnées pour maintenir un intérêt croissant. La mythologie Stranger Things était née et ses figures avec : Onze, l’ado aux pouvoirs télékinésiques, Jim Hopper, le shérif brisé, Brenner, un démoniaque docteur Frankenstein, sans oublier les quatre intrépides petits héros idéalement caractérisés.

Attention spoilers

A la fin de la saison 1, le petit Will Byers, prisonnier du “monde à l’envers”, avait été sauvé sans que ne fût écartée la menace d’une potentielle invasion extraterrestre, difficilement jugulée par une obscure agence fédérale. Les Duffer avaient pas mal d’options excitantes pour la saison 2 : ressusciter Brenner et d’éventuels affreux cobayes freaks (on y croit dès le prologue), imaginer un affrontement dantesque entre Onze et une quelconque némesis (ce qui survient dans le dernier épisode, spectaculaire mais assez dénué de suspense), explorer le monde à l’envers… Ils ont finalement choisi le chemin le moins pavé d’obstacles en confrontant les protagonistes à la présence à Hawkins de créatures échappées des entrailles de la terre. Comment ? A cause de l’inévitable Dustin qui, en nourrissant amoureusement une larve bizarre, va déclencher un processus irréversible. Le procédé apparaît d’emblée facile et artificiel, impression confirmée par le season finale au cours duquel Dustin va très tranquillement amadouer sa créature -pourtant devenue monstrueuse et meneuse d’une meute diabolique. Les Duffer ne nous avaient pas habitués à une telle désinvolture narrative qui définit malheureusement la saison 2, dans laquelle ils ratent tout ce qu’ils réussissaient dans la 1. Protecteur contrarié d’Onze, Hopper rejoue sans surprises le père abattu ; les nouveaux personnages s’intègrent inégalement au récit (la relation toxique entre la rebelle Max, plutôt cool, et son frère violent Billy est peu crédible, sinon incompréhensible ; Bob, l’amoureux sympa de Joyce Byers, est scandaleusement sacrifié) ; les références sont enfin cette fois écrasantes (le pauvre Will est un mélange peu convaincant de Damien-La Malédiction et de Regan-L’Exorciste) quand elles ne sont pas purement gadget (le clin d’œil pour rire à Sos Fantômes). L’épisode 7, qui voit Onze rejoindre une bande menée par une autre ex-cobaye et s’interroger sur le sens à donner à ses pouvoirs (impression de déjà vu…), entérine l’idée selon laquelle les Duffer semblent tourner en rond, incapables de transcender leur matériau et de nous faire partager une vision cohérente.

Prisonniers du temps, la tête à l’envers.


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