John Lennon : un homicide sans procès 
Apple TV+

« John Lennon : un homicide sans procès », retrace les derniers instants de l’ex-Beatle et l’enquête sur son nébuleux assassin, Mark David Chapman.

Le 8 décembre 1980, John Lennon se fait tirer dessus à plusieurs reprises devant le Dakota Building, à New York. Il décède peu après à l’hôpital et l’annonce de sa disparition soudaine choque le monde entier. Un des ex-Beatles, assassiné ? Scénario impensable. Qui pourrait être assez fou pour faire ça ? Une série documentaire en trois épisodes, John Lennon : un homicide sans procès (diffusée sur Apple TV+), revient sur l’ultime journée de l’auteur de Give Peace a Chance à travers de nombreux témoignages inédits, et tente de dresser le portrait de l’homme qui lui a froidement tiré dessus, Mark David Chapman. Entre vraies révélations et anecdotes surtout connues des spécialistes de l’affaire, voilà ce qu’on peut y voir.

Son ultime interview

Quelques heures avant sa mort, John Lennon donnait son ultime interview à la journaliste Laurie Kaye. Lennon s’était retiré de la vie publique depuis cinq ans pour pouvoir s’occuper de son fils, Sean. Dans cet entretien écoutable en intégralité ici, il semble ravi de revenir enfin à la musique (il enregistrait alors un album avec le producteur Jack Douglas, qui assure que Lennon était au sommet de ses capacités) et évoquait ses opinions politiques : « Les années 70 étaient barbantes, non ? On va essayer de rendre les années 80 plus sympas. Les gens ont le pouvoir. Le pouvoir de transformer et de créer la société qu’ils veulent. Et je crois que le temps du changement est venu. Imaginez un monde sans pays, sans religions. Imaginez. Est-ce que ce serait si terrible ? » En sortant du Dakota Building, Laurie Kaye se souvient avoir été interpelée de façon agressive par Mark David Chapman : « Il vous a dit quoi ? Il vous a dit quoi ? » 

Les derniers instants de Lennon

Juste après les tirs de Mark David Chapman, Jay Hastings, réceptionniste du Dakota Building qui n’avait jusqu’ici jamais témoigné publiquement, raconte les derniers moments de conscience de John Lennon : « Il a couru vers moi et dit : ‘’On m’a tiré dessus.’’ Du sang sortait de sa bouche. Il s’est effondré sur le sol. Je l’ai tourné pour le mettre sur le dos et j’ai pris ses lunettes, que j’ai posées sur le bureau. Et Yoko hurlait : ‘’Appelez une ambulance, appelez une ambulance, appelez une ambulance.’’ » Le médecin et les infirmières de l’hôpital racontent s’être acharnés à tenter de réanimer Lennon, évidemment sans succès.


Un assassin calme et étrange

Le chauffeur de taxi new-yorkais Mark Snyder a conduit Chapman à travers la ville peu avant l’assassinat. Ce dernier avait un comportement bizarre, se présentant comme un producteur des Rolling Stones qui sortait d’une session d’enregistrement avec les Beatles, soi-disant reformés. L’homme avait un carnet dont il consultait les pages frénétiquement. « J’ai regardé dans le rétroviseur, et il n’y avait rien d’écrit dessus, que des pages blanches », se souvient le chauffeur dans le documentaire. Au moment de sortir du véhicule, cet étrange client s’est approché de la vitre du conducteur et lui a lâché cette phrase : « Mon nom est Mark David Chapman. Vous vous souviendrez de mon nom. »

Forcément de quoi accréditer la thèse de la préméditation, d’autant que Chapman a poliment attendu que la police le cueille après avoir tiré sur John Lennon, alors qu’il avait tout le loisir de s’enfuir à travers Central Park. « Il n’a absolument pas résisté. Il s’est même excusé », se souvient l’office Peter Cullen. Au moment de fouiller sa chambre d’hôtel, les enquêteurs ont découvert - soigneusement posés sur un bureau - son passeport, un poster du Magicien d’Oz et surtout la bible ouverte à l’évangile de Jean (John, en anglais).

Les possibles motivations de Mark David Chapman

C’est le gros sujet du documentaire et en même temps son point faible : pourquoi Mark David Chapman a-t-il tué John Lennon ? Souffrait-il de schizophrénie, comme il l’assurait en 1992 dans une interview accordée à Larry King depuis sa prison ? Les trois épisodes n’y répondent jamais réellement, mais suivent de nombreuses pistes. Dont une, complètement fantasque et finalement vite évacuée, où la CIA aurait utilisé un programme expérimental de lavage de cerveau,  MKUltra, pour faire tuer Lennon en raison de son activisme (l’ex-Beatles était effectivement surveillé par l’administration Nixon, mais rien de plus).

Chapman donne des explications confuses et contradictoires sur son geste : on l’entend, dans des enregistrements inédits de 1980, assurer qu’il pensait « devenir quelqu’un en tuant quelqu’un », ou bien qu’il pensait qu’il allait se changer en Holden Caulfield (le héros de L’Attrape-Coeur de J. D. Salinger, roman qu’il avait avec lui au moment du meurtre) après avoir tiré sur John Lennon. Mais il lâche également cette phrase : « All You Need Is Love – et 250 millions de dollars ! [Lennon] était un connard de poseur (…) Je n’allais pas laisser le monde endurer encore dix ans de ces conneries. » Ancien fan des Beatles, Mark David Chapman aurait surtout pris en grippe John Lennon au moment de sa célèbre déclaration sur son groupe, « plus populaire que Jésus » (le futur tueur était devenu obsédé par la religion).

Le docu parvient à éclairer un peu sa personnalité en remontant dans le passé, avec les témoignages d’un de ses amis d’enfance, d’une ancienne petite amie et de son pasteur. On apprend notamment que Chapman était battu et insulté par son père, ce qui, couplé à un sentiment persistant de n’être personne, l’aurait in fine poussé à commettre l’irréparable. Finalement, l’enquête judiciaire n’a jamais pu creuser le sujet, puisque Chapman a plaidé coupable, assurant que Dieu lui avait ordonné d’assassiner Lennon. Il a été condamné à la prison à vie et purge sa peine à l’isolement.

John Lennon : un homicide sans procès, trois épisodes à voir sur Apple TV+.