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Melissa Rosenberg, la femme derrière Jessica Jones, se confie à Première.

Une fois n'est pas coutume, c'est un jeudi, ce 8 mars, que Netflix a sorti la nouvelle saison de Jessica Jones. Pour tomber pile sur la journée de la femme, évidemment. Un symbole fort pour la super-héroïne badass, véritable métaphore Marvel des femmes qui reprennent le pouvoir. La créatrice et scénariste de la série, Melissa Rosenberg, nous raconte comment elle a écrit la saison 2, qui résonne particulièrement aujourd'hui, en plein mouvement #MeToo. Attention spoilers !

Jessica Jones : que vaut la saison 2 de la série Marvel ?

La saison 2 commence de manière très sombre. Peut-être même encore plus sombre que la saison 1...
Melissa Rosenberg : Oui, c'est vrai. Parce que cette saison on a cherché à plonger au plus profond de Jessica, pour explorer des questions émotionnelles qu'elle avait toujours éviter jusque-là. Du coup, c'était une continuité naturelle, dans le parcours du personnage.

Diriez-vous que Kilgrave hante toujours Jessica ?
Les personnes qui ont subi les mêmes traumatismes que Jessica le savent bien. Même quand on finit par passer à autre chose, ces expériences ne disparaissent pas comme par magie de votre esprit. Elle doit vivre avec ça et ce sera probablement toujours le cas.


Pourquoi Jessica est-elle encore plus en colère que pendant la première saison ou pendant The Defenders ? Après tout, elle a fait de grandes choses ces derniers temps, et elle devrait se sentir au moins un peu soulagée ou fière... Mais non !
Le truc c'est qu'à la fin de la saison 1, elle a pris une vie. Elle a tué Kilgrave. Elle n'avait pas le choix, mais elle l'a fait. Elle est devenue ce que Kilgrave voulait qu'elle soit, une meurtière. Elle débute donc la saison 2 avec cette vision d'elle-même. En sachant ce qu'elle a fait. Et ça l'inquiète. Elle a peur de ça. Est-ce que ça définit maintenant qui elle est ? C'est d'ailleurs la question centrale de cette saison 2. Qui suis-je ? Une tueuse comme Kilgrave le voulait ? Un monstre ? Ou une super-héroïne comme le pensent les gens ? Elle est clairement en pleine introspection. Elle se bat avec un conflit intérieur, autant qu'avec l'extérieur.

La série The Defenders a-t-elle influencé votre écriture? Ou avez-vous totalement ignoré la série?
Je dirais que The Defenders était une série à part entière, avec un ADN propre, comme Jessica Jones a un ADN propre. Et l'histoire des Defenders, ça n'a duré qu'un week-end, concrètement, dans la vie de Jessica. Alors on reprend en fait là où on l'avait laissé, à la fin de la saison 1. Donc non, les Defenders n'ont pas vraiment influencé sa vie.

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La saison 2 avait fini de tourner quand #MeToo a explosé, mais la série parle clairement de la prise de pouvoir des femmes. Plus spécifiquement, il y a cette histoire de Trish (Rachael Taylor) qui confronte un producteur plus âgé qui a abusé d'elle quand elle était adolescente. Vous n'auriez pas pu être plus en phase avec ce qui se passe actuellement à Hollywood...
L'histoire de Trish, enfant star, suit naturellement son cours. Ca nous semblait être une storyline tout à fait cohérente à explorer, dans l'expérience du personnage. Tristement. C'est une expérience qu'ont vécu plein de jeunes femmes à Hollywood. Nous, quand on écrit la série, on ne se dit pas qu'on va traiter tel ou tel sujet de société. On écrit la vie de nos personnages avec ce qui nous semble le plus naturel, en essayant d'être le plus sincère possible.

Est-ce la raison pour laquelle vous avez élargi le rôle de Trish cette saison ?
La saison 1 était clairement centrée sur Jessica, le personnage, son monde. Maintenant que tout ça est établi, on a pu se pencher plus largement sur les autres personnages, leur donner des histoires plus fouillées, que ce soit Trish, Jeri Hogarth, Malcolm... Explorer de nouvelles relations.

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J'ai lu que Jessica Jones était carrément la super-héroïne du mouvement #MeToo. Ça vous plaît ? Qu'elle soit devenue une sorte de symbole féministe ?
(Rire) C'est très gentil ! Mais vous savez, on a écrit et produit toute la saison 2 avant même que les affaires commencent à Hollywood. Notre but, c'est vraiment juste d'écrire une histoire avec un ensemble de personnages complexes, abîmés, intéressants. Donc non, l'objectif du show ce n'est pas que Jessica devienne un symbole, mais je serais ravie, honorée, si c'était le cas.

Les 13 épisodes de la saison 2 ont été dirigés par des femmes. Est-ce qu'il y a un message derrière le symbole ?
Au départ, je voulais que la moitié de la saison soit réalisée par des femmes ou des personnes issues de la diversité. Et puis en fait, en recrutant au fur et à mesure nos réalisateurs, on a naturellement fini par prendre que des femmes. Ce n'était pas spécialement un but précis. C'est juste qu'il y a plein de réalisatrices de talent. Alors si au départ, il y avait bien une certaine volonté de notre part, à l'arrivée, elle s'est amplifiée naturellement.

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Est-ce que le fait d'avoir seulement des femmes pour diriger tous les épisodes a changé la série, ou au moins le ton de la saison 2 ?
Franchement, un réalisateur est un réalisateur. Homme ou femme. Il a du talent ou il n'en a pas. Non, la vraie différence n'est pas à l'écran, mais plutôt sur le tournage. Cela donne un véritable équilibre. Et un environnement peut-être plus sain, plus chaleureux, où chacun se sent plus à même de prendre des risques, créativement. 

Ce jeudi, c'était la Journée internationale du droit des femmes et c'est à cette date qu'est sortie la saison 2 sur Netflix. Ce n'est pas une coïncidence, évidemment...
En fait, c'est le choix de Netflix. Mais je suis ravie. Après la journée internationale de la femme, c'est bien parce que ça permet de mettre la lumière sur certains problèmes, mais en même temps, pourquoi une journée ? Les femmes représentent la moitié de la population et elles ont une journée dans l'année ? Et ça veut dire quoi ? Que les 364 autres jours de l'années sont ceux des hommes ? Je trouve ça assez paternaliste au final.

La saison 2 de Jessica Jones, en 13 épisodes, est en ligne sur Netflix depuis le jeudi 8 mars 2018.