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Écrire et réaliser une série politique l’année d’une élection présidentielle sans être rattrapé par l’actu est une gageure. Baron noir continue pourtant de refléter avec justesse le paysage politique français contemporain.

Les créateurs et scénaristes Éric Benzekri et Jean-Baptiste Delafon ont commencé à écrire la deuxième saison de Baron noir en janvier 2016, avant même la création d’En Marche !, et n’imaginaient pas alors la victoire d’Emmanuel Macron. Plutôt que de chercher à coller artificiellement leur fiction à la réalité, ils ont préféré suivre le chemin qu’ils avaient tracé à leurs personnages en saison 1. C’est pourquoi on retrouve une femme de gauche à la présidence de la République, sans majorité à l’Assemblée nationale. Mais notons que cette présidente est décrite comme « jupitérienne », ce qui prouve  quelques ajustements de la part des auteurs.


Cette saison s’attache à trois personnages : le Baron noir, Philippe Rickwaert (Kad Merad, toujours aussi formidable), en liberté conditionnelle en attendant son procès, qui conseille dans l’ombre la présidente Amélie Dorendeu (Anna Mouglalis), et Cyril Balsan (Hugo Becker), futur député. Ce trio d’idéalistes illustre avec une grande lucidité le paysage politique contemporain, français et européen, dans lequel un parti au pouvoir est obligé d’envisager des alliances (comme Theresa May en Angleterre ou Angela Merkel en Allemagne), et magouille pour acheter les votes des députés.

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La série évoque aussi le Front national, le terrorisme, la territorialisation ou encore le communautarisme. L’enjeu est également l’arrivée d’une femme à l’Élysée, qui va découvrir la solitude du pouvoir, le poids de sa fonction, et piétiner sa ligne morale. Elle devra surtout s’affirmer dans ce milieu politique misogyne. La précision et la pertinence des auteurs continuent d’étonner : Baron noir s’adresse à la fois aux experts en politique et aux néophytes. Outre les jeux de pouvoir, ils ont l’intelligence de montrer l’intimité de ceux qui font la politique – ou la subissent – et d’offrir une série profondément humaine et universelle, guidée par le destin de perrsonnages romanesques, vivant des situations réalistes. Certaines vérités révélées ici sont alors terrifiantes. Ou jubilatoires.