Governors Awards

La réalisatrice a fait un discours émouvant avant de "danser la danse du cinéma".

Mise à jour du 29 mars 2019 : Alors qu'on vient d'apprendre la mort de la cinéaste Agnès Varda, retour sur une belle soirée, qu'elle a vécu fin 2017 : la remise d'un Oscar d'honneur des mains de son "ange gardien" Angelina Jolie.

 
Agnès Varda en huit films

Actualité du 13 novembre 2017 : Début octobre, en apprenant qu'elle allait recevoir un Oscar honorifique lors des Governors Awards, la réalisatrice  Agnès Varda (Cléo de 5 à 7) avait répondu : "C’est ridicule. Je suis connue et pourtant je suis pauvre, j’attire peu de spectateurs, mes films rapportent peu au box-office. C’est une sorte de consolation. Ma fille me dit que je devrais y aller. Mais ce n’est pas le vrai Oscar. C’est même pas en février, c’est en novembre. C’est l’Oscar du pauvre. Je suis flattée, mais pas tant que ça."

Finalement, sa fille Rosalie a réussi à la convaincre de faire le déplacement, et l'artiste s'est beaucoup amusée à Los Angeles. Après avoir fait quelques séances photos en compagnie de JR, avec qui elle présentait là-bas Visages, villages, Agnès Varda a effectivement reçu sa statuette d'honneur. C'est la première réalisatrice de l'histoire des Oscars à obtenir une telle récompense, et la deuxième française après la comédienne Jeanne Moreau, en 1998.

Visages, villages est un road-movie ensoleillé où la France profonde est réenchantée par le regard bienveillant des deux amis

Agnès a d'abord fait part de son émotion au sein d'un joli discours en anglais, avant de danser avec Angelina Jolie, la star qui lui a remis l'Oscar. Elle a aussi croisé au cours de la soirée plusieurs artistes qui lui ont également rendu hommage, de Damien Chazelle, le plus jeune réalisateur à avoir reçu une statuette pour La La Land, à l'actrice Jessica Chastain, qui lui avait préparé un discours féministe. Voici la vidéo de 8 minutes, et sa traduction juste en dessous :


"Je suis un peu timide, mais ravie d'entendre toutes ces gentilles choses sur moi. Oui, ça me fait du bien, je dois l'avouer (rires). Je les entends au beau milieu d'Oscarland. Je tiens à remercier les 4 femmes, belles et intelligentes, qui ont pris la parole ce soir. Mais j'ai quand même une question : n'y avait-il aucun homme dans cette pièce qui m'aime assez pour faire un discours ? En France, quand on veut regarder les Oscars en direct, on doit mettre notre réveil à 4h du matin. On regarde ça pour le côté mode, pour voir les gens heureux dans la salle, mais pas vraiment pour les artistes anxieux qui vivent une terrible compétition. Ce qui se passe aujourd'hui n'a rien à voir avec les Oscars, c'est autre chose. Il y a des prix, mais pas vraiment de compétition. Les Gouverneurs m'ont donné ce prix, c'est une récompense pour l'ensemble de mon travail, effectué pendant plus de 60 ans. Ca me met en lumière, et ça met aussi en lumière le cinéma français. Je suis contente que certaines personnalité importantes du cinéma français aient fait le déplacement. Frédérique Bredin, la présidente du CNC, qui soutient les films et aide les jeunes réalisateurs, Serge Toubiana, à la tête d'Unifrance, qui aide aussi les jeunes artistes et fait connaître le cinéma français à l'étranger, nous avons aussi le délégué général du festival de Cannes, le célèbre Thierry Frémaux. Je suis aussi entourée et protégée par ma famille. J'ai des enfants superbes : Mathieu Demy, qui est acteur et réalisateur, Rosalie Varda-Demy, qui a produit récemment avec passion et énergie le film Visages Villages, que j'ai coréalisé avec JR, qui est là d'ailleurs, et enfin, cerise sur le gâteau, deux de mes petits-enfants sont là. Valentin Vignet, qui est directeur de la photographie et le petit Constantin Demy, qui est encore à l'école, ici à Los Angeles. Comment pourrais-je oublier de mentionner Jacques Demy, mon cher Jacques, qui était là en 1965, nommé pour Les Parapluies de Cherbourg ? Mais revenons à nos moutons. J'ai été aimée et soutenue, je pense, parce que j'ai réfléchi à l'essence même du cinéma, j'ai cherché la bonne structure pour mes films. La Pointe courte ? C'était en double narration. Cléo de 5 à 7 ? Tourné en temps réel. Sans toit ni loi ? Tourné en 13 plans séquence. Dans Jane B ? Chaque portrait est un puzzle dont il manque des pièces. J'ai aussi voulu travailler avec des acteurs professionnels et des débutants. Et revenir à 'l'école de la modestie', c'est à dire les documentaires, comme sur Les Glaneurs et la glaneuse. Mais je dois dire que j'ai du du mal à trouver de l'argent. Mes films ne rapportent rien, je ne suis pas bankable. Enfin, j'ai reçu plein de prix et aussi des récompenses honorifiques, comme à Cannes. Je n'ai pas perdu mon envie de créer. Ici, à Hollywood, je reçois le meilleur prix, l'Oscar honorifique. L'autre fois, je me suis réveillée au milieu de la nuit, paniquée à cause de ce discours. J'avais l'impression que mon corps ne pesait plus rien, c'était comme si je dansais. Ce soir, je ressens presque la même chose. C'est un gros événement, on est là pour honorer des artistes et partager notre amour du cinéma. Nous avons deux stars, Angelina et Jessica, mes deux anges gardiens féministes… cette soirée est importante, pleine de sens. Entre la nuit et la lumière, je choisis la lumière et ça me donne envie de danser la danse du cinéma ! »

L'acteur Donald Sutherland (M*A*S*HHunger Games), le scénariste et réalisateur Charles Burnett (Killer of Sheep) et le directeur de la photographie Owen Roizman (L’Exorciste) ont également été honorés lors de cette cérémonie.

Sans toit ni loi : Retour sur le plus grand succès d'Agnès Varda