Jean Seberg
Carlotta Films

Cinquante ans après la publication d’un article diffamatoire, le quotidien revient sur la sombre affaire qui aurait entraîné le suicide de l’icône américaine.

"Il y a cinquante ans, un rédacteur en chef du Los Angeles Times a eu vent d’une rumeur dangereuse, divulguée au journal par le FBI. Le Times l’a publiée sans vérifier l'information, et la vie d’une célèbre jeune actrice a été détruite." C’est avec ces mots que débute l’édito poignant du Los Angeles Times consacré à l’actrice Jean Seberg, icône de la Nouvelle Vague et muse américaine de Jean-Luc Godard

Née dans l’Iowa en 1938, l’actrice aux cheveux courts s’est fait connaître du public français dans À bout de souffle (1960), film où elle partage l’affiche avec un jeune et déjà très charismatique Jean-Paul Belmondo. Son accent inimitable et sa fraicheur marquent les esprits, et la jeune femme devient bientôt un visage emblématique du cinéma français. Vingt ans plus tard, alors que sa carrière bat de l’aile et que l’actrice sombre dans la dépression, la success story vire au cauchemar : le corps sans vie de Jean Seberg est retrouvé enroulé dans une couverture à l’arrière de sa Renault dans le XVIe arrondissement de Paris. L’autopsie révèlera que l’actrice a succombé à une dose massive de barbituriques et d’alcool.

Dans un article intitulé "Comment le FBI et le Los Angeles Times ont détruit la vie d’une jeune actrice il y a 50 ans", le célèbre quotidien californien propose de revenir sur la sombre affaire qui aurait conduit l’actrice au suicide, tout en précisant que les faits, aussi vieux soient-ils, résonnent toujours avec l’actualité. 

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"Au printemps 1970, le FBI était au sommet de son combat contre les mouvements radicaux aux États-Unis. J. Edgar Hoover, le directeur sans scrupules du bureau, travaillait depuis des années à ébranler le mouvement antiguerre, les leaders des droits civiques et les organisations militantes noires. Parmi ces deniers, il y avait le Black Panther Party, un groupe de révolutionnaires défiant la brutalité policière et l’autorité blanche par ‘l’autodéfense armée.’", résume l’article. 

Jean Seberg était connue pour soutenir le mouvement, auquel elle aurait fait un don de 10 000 dollars. L’actrice, à l’époque en instance de divorce avec le romancier français Romain Gary, aurait également fréquenté l’un de ses leaders. C’est dans ce contexte délicat qu’un article du Los Angeles Times, rédigé par la chroniqueuse mondaine Joyce Haber, est venu semer le trouble dans la vie de la star. Sans jamais citer son nom mais en se débrouillant pour qu'elle soit reconnue par les lecteurs, le papier révélait la grossesse de la jeune femme. Selon l'article, cette grossesse aurait été le fruit d’une relation entre cette dernière et un homme afro-américain. L'un des leaders des Black Panthers.

Le scoop, jugé scandaleux, a été confié au célèbre média par un agent du FBI qui avait reçu l’autorisation de J. Edgar Hoover de donner de manière anonyme ces informations à la presse. Son but ? "Neutraliser" l’actrice. "L’information était malicieuse, avait vocation à manipuler et était certainement fausse, précise l’édito. Le FBI ne savait pas si c’était vrai et le Times non plus. Seberg et sa famille ont toujours nié les faits."

L’article mensonger a eu l’effet d’une bombe dans la vie de la jeune femme. Peu de temps après, Jean Seberg a accouché prématurément, à l'automne 1970, d'un enfant mort-né. Pour faire taire les rumeurs à son sujet, l’actrice a fait enterrer le nourrisson dans un cercueil de verre pour que tout le monde puisse voir que la peau de l'enfant était blanche. Chaque année à l’anniversaire de la mort du bébé, l’actrice fera une tentative de suicide, avant de trouver la mort le 30 août 1979.

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"Bien qu’il est difficile de dire quelles combinaisons de facteurs conduisent une personne au suicide, son ex-époux (Romain Gary) a déclaré lors d’une conférence de presse que Jean Seberg a été détruite par le FBI ‘lorsque l’organisme a fait paraître dans un grand journal américain une information selon laquelle elle attendait un enfant d’un leader de l’organisation extrémiste des Black Panthers’.", détaille l’article.

Quelques jours après la déclaration de Romain Gary, qui se suicidera à son tour un an après la mort de son ex-épouse, le FBI a reconnu sa part de responsabilité dans l’affaire tragique, affirmant que Hoover voulait détruire l’actrice : "L’époque où le FBI utilisait des informations désobligeantes pour lutter contre les défenseurs de causes impopulaires est révolue depuis longtemps. Nous sommes hors de ce business pour toujours."

Cinquante ans après la publication de l’article diffamatoire, le Los Angeles Times assume les faits. "Honte sur nous", écrit le journaliste Nicholas Goldberg. Avant de conclure, en référence à Donald Trump : "Il y a toujours eu des dirigeants qui considéraient que leurs ambitions et leurs griefs personnels étaient plus importants que le processus démocratique. À l’approche du jour des élections, n’oubliez pas : nous avons déjà emprunté cette voie et nous ne voulons pas l’emprunter à nouveau."