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Dans The Strangers, le Coréen Na Hong-Jin pose la question de la foi : faut-il croire ce qu'on voit ou ce qu'on nous dit ?

The Strangers, le dernier thriller de Na Hong-Jin (The Chaser, The Murderer), démarre comme une enquête criminelle qui rappelle Memories of murder, avec l'arrivée d'un flic sur les lieux d'un meurtre. Sauf que le mystère ne tient pas à  l'identité du meurtrier, un villageois hébété, apparemment pris de folie subite. Assez vite, la répétition d'actes inexplicables, associée à une forme de contamination, fait dériver le film dans le domaine du surnaturel et de l'horreur. La présence d'un mystérieux Japonais appelle l'intervention de shamans et de prêtres pour procéder à des exorcismes en bonne et dûe forme. Le résultat est d'une intensité renversante, mais l'intrigue est si complexe et chargée de rebondissements que l'envie de revoir le film se fait pressante. A défaut, nous avons rencontré le réalisateur qui nous livre quelques clés pour saisir cette fable contemporaine sur la lutte éternelle du bien contre le mal.

"En surface, le film raconte en parallèle deux histoires. D'un côté, il y a le père qui essaie de protéger sa famille contre la tentation selon le point de vue de la religion traditionnelle coréenne. Et malgré ses efforts, il finit par se trouver dans une grande confusion. L'autre histoire suit toujours le personnage principal Jeong Hu, jusqu'à l'apparition du Japonais. Cette fois, c'est la bible qui m'a servi d'inspiration. A la fin, les deux récits convergent et s'entrechoquent."

A un moment, la fille du policier tombe victime elle aussi de la contamination qui frappe les habitants, et il est suggéré que c'est une forme de châtiment pour punir le père. Le réalisateur acquiesce, mais il va plus loin: "Toutes les religions ont en commun une obsession de la perfection. Et je me demandais comment une religion qui existe depuis des millénaires peut encore avoir du sens dans un monde qui a tant évolué depuis la création des textes sacrés. J'ai été étonné moi-même de la pertinence de ces textes aujourd'hui. Je voulais essayer de faire le lien avec la réalité contemporaine, sans me limiter à la culpabilité."

Quant au personnage très ambivalent du Japonais, il est inspiré du nouveau testament, comme le précise Na Hong Jin: "Il est perçu par les villageois comme Jésus-Christ lorsqu'il est apparu à Jérusalem, un être venu de nulle part. Je voulais le transposer à notre époque. Il meurt et lorsqu'il réapparaît, les circonstances sont les mêmes que ce qui est décrit dans la bible. La résurrection du Christ a provoqué beaucoup de doutes et de troubles ! J'ai voulu transposer cette confusion aujourd'hui." Entre autres manifestations maléfiques (exorcismes, zombies, contamination...) on voit une représentation particulièrement effrayante d'un démon, mais le point de vue étant celui du diacre catholique, on peut l'interpréter comme une illusion. Et à la différence de beaucoup de films d'exorcisme, The Strangers n'oblige aucunement le spectateur à adhérer à l'idéologie religieuse. Le cinéaste explique: "L'image du démon à la fin est peut-être une illusion du diacre, mais si on veut avoir un jugement définitif, il y a deux possibilités, et là je me réfère à St Thomas qui disait: "soit on croit quelqu'un sur parole, soit on se fie à ce qu'on voit".

En fin de compte, The Strangers montre quand même la religion comme une forme de virus qui contamine ses adeptes et les incite à s'entretuer ! Ce n'est pas le seul paradoxe de ce film spectaculaire qui, pour sa sortie coréenne, a engrangé pas moins de deux millions d'entrées le premier week end.

The Strangers est déjà dans les salles.