DR

Dix ans après Scream 3, Wes Craven a de nouveau réuni Neve Campbell, David Arquette et Courteney Cox pour un quatrième épisode qui va tenter de faire peur... dans le bon sens du terme. Avant la sortie de Scream 4, le 13 avril, retour sur la genèse chaotique d’une suite aussi attendue que redoutée. "J'ai l'impression que tout a déjà été dit dans les trois premiers Scream et je ne veux pas faire le film de trop. En plus, je ne suis pas sûr que Dimension Films ait particulièrement envie de me recontacter après ce que nous avons vécu sur Cursed. » Ces paroles de Wes Craven datent de 2005, alors qu’il assurait la promo de son thriller aérien Red Eye, qui lui avait permis de rebondir après la légendaire débâcle de Cursed, le film de loups-garous qu’il avait dû entièrement retourner sous la pression de Bob Weinstein, le boss de Dimension, et dont la sortie s’était quand même soldée par un flop monumental. Flash-forward. 14 juillet 2008 : Dimension annonce officiellement la mise en chantier de Scream 4, avec Wes Craven aux commandes et Kevin Williamson, l’auteur des deux premiers volets, au scénario. Quand on lui demande aujourd’hui comment il a pu remettre le couvert avec les Weinstein après Cursed, Craven ne peut s’empêcher de sourire. "La première chose que Bob Weinstein m’a dite quand il m’a appelé pour me proposer Scream 4 était la suivante, raconte le réalisateur en se lançant dans une imitation : “Wes, le mec avec qui tu as bossé à l’époque ne fait plus partie du décor. Je suis un homme totalement nouveau !” Avec le temps, on a tendance à oublier les mauvaises expériences pour se concentrer sur les bonnes, et mes années passées sur la première trilogie Scream restent un souvenir heureux. La production de Cursed a effectivement été intenable – et interminable –, mais ça n’avait pas été le cas sur Scream et ça ne l’a pas non plus été sur celui-ci. Bob croit passionnément en Scream 4, et lorsqu’il est de votre côté, c’est un allié puissant." L’enthousiasme de la moitié des frères Weinstein a donc été suffisant pour enterrer la hache de guerre, et les survivants de la saga horrifique n’ont pas tardé à répondre positivement à l’invitation (David Arquette dans un premier temps, suivi de peu par Courteney Cox). Ne manquait plus qu’une pièce – maîtresse – du puzzle : Neve Campbell, l’héroïne, qu’il avait déjà fallu supplier d’accepter Scream 3 en 2000. "Quand j’ai été contactée pour Scream 4, ma première réaction a été d’appréhender, avoue l’actrice. Je n’étais pas sûre que ce soit une bonne idée et j’ai mis sept mois à accepter. J’avais juré que je n’en ferais pas d’autre. Mais c’était il y a dix ans, et les temps changent. Suffisamment d’eau avait coulé sous les ponts pour que je me dise que ça pouvait finalement être fun d’en faire un nouveau, pour nous comme pour le public. Revisiter le personnage de Sidney Prescott aujourd’hui me semblait plutôt judicieux. Kevin Williamson est venu me résumer l’idée de ce quatrième film, et je l’ai trouvée brillante." Même son de cloche chez Wes Craven : "Je n’avais pas revu Kevin depuis un bail. Il m’a raconté son pitch, qui ne concernait pas un seul film mais carrément une nouvelle trilogie. J’ai été fasciné par son concept, et quand les premières pages du scénario sont arrivées, j’ai constaté qu’il était au top de sa forme. Je n’ai donc pas longtemps hésité."LE SCREAM ÉTAIT PRESQUE PARFAIT Printemps 2010. Craven, Williamson, Campbell, Cox et Arquette ont tous signé leur contrat. Une date de début de tournage (le 28 juin) a été fixée. Kevin Williamson multiplie les interviews, aguichant les fans avec sa promesse d’une nouvelle trilogie.Le casting s’étoffe : Emma Roberts (oui, la nièce de Julia) est engagée pour interpréter la cousine de Sidney Prescott, dont le retour à Woodsboro va déclencher une nouvelle vague de meurtres et de coups de fils cinéphiles. "C’est un des avantages d’avoir attendu dix ans avant de faire Scream 4, se félicite Craven. Nous avons une décennie entière de nouveaux films de genre à commenter. Et, oui, on se moque évidemment des studios qui sortent des remakes de films d’horreur à la chaîne... J’ai moi-même produit deux remakes de mes films (“La colline a des yeux” et “La Dernière Maison sur la gauche”), donc je ne peux m’empêcher de sourire. Je suis avec eux sur le banc des accusés." Hayden Panettiere (la pom-pom girl invincible de Heroes), Rory Culkin, Adam Brody et d’autres allongent la liste des victimes potentielles. "Certains avaient 5 ans quand le premier Scream est sorti, rigole Campbell. Quand on les a vus débarquer sur le plateau, la première chose qu’on s’est dite, avec Courteney Cox, c’était : “Bon sang, on pourrait être leurs mères !” "Restait un détail d’importance : le scénario commençait à se faire désirer. "Kevin, à sa décharge, ne pouvait pas écrire le scénario avant que tout le monde ait dit oui, justifie Neve Campbell. Du coup, je ne l’ai eu que trois semaines avant le début du tournage. Et encore... J’ai passé un certain nombre de coups de fil inquiets : “Et ce script, alors ? Je peux le lire ? Il arrive bientôt ?” (Rire.) Quand je l’ai finalement reçu, il manquait la fin, dont je n’ai eu connaissance que très tard, alors que le tournage était déjà bien entamé." "Nous avions une fin mais elle ne nous satisfaisait pas, ajoute Wes Craven. Je vais être honnête : commencer le tournage avec un script inachevé m’a beaucoup angoissé au début. En même temps, ce n’était pas la première fois qu’un film de la série se tournait de cette façon... Comme si ça faisait partie de la nature profonde de Scream."Les fans, eux, ont moins eu envie de rire quand, une semaine à peine après le début des prises de vues, une info alarmante tombait : Kevin Williamson aurait été viré de Scream 4 et le scénario confié à Ehren Kruger, l’homme responsable du sinistre Scream 3. Interrogée sur ce remplacement, Neve Campbell semble embarrassée. "Ehren Kruger ? C’est possible... Je ne pourrais pas vous dire", hésite-t-elle, en laissant planer un faux mystère que Wes Craven accepte d’éclaircir. "Voilà ce qui s’est passé, explique le réalisateur : Kevin n’était plus disponible car occupé par sa série télé The Vampire Diaries, et nous devions absolument tourner car Courteney Cox n’allait plus être disponible si nous décalions les dates. Ehren est donc venu apporter les dernières touches nécessaires au scénario. Je ne veux pas paraître arrogant ou quoi que ce soit, mais j’étais là à chaque instant. J’étais le gardien du temple, en quelque sorte, et une bonne partie des idées est venue de moi. Ehren a fait un super boulot, d’ailleurs. Mais ça reste un script de Kevin Williamson, aucun doute là-dessus."On tente alors une question innocente : Williamson sera-t-il de retour pour Scream 5 si le 4 est un succès ? "J’imagine, répond Craven. Mais il faudrait plutôt lui poser la question à lui." C’est ce qu’on a essayé de faire. Verdict : Kevin est trop accaparé par The Vampire Diaries pour donner des interviews. Décidément... Alors qu’on apprenait "l’éviction" de Williamson, des acteurs comme Lauren Graham (Gilmore Girls), censée jouer la tante de Sidney Prescott, claquaient la porte, et des sources anonymes proches de la production faisaient part, sur le site Zap2it, de l’agacement d’Hayden Panettiere, dont le rôle aurait été "sensiblement bêtifié" (Panettiere a ensuite démenti). Il n’aura cependant fallu que quelques jours aux plus malins pour remarquer que Williamson avait envoyé un message, via Twitter, à l’auteur de l’article, avec qui il avait déjeuné peu de temps avant.Le scénariste aurait-il lui-même joué les Gorges Profondes ? Possible... Le tournage de scènes additionnelles en janvier (à trois mois de la sortie, quand même), après une première projection-test, a mis encore un peu plus d’huile sur le feu. Le miracle, dans tout ça ? Malgré le chaos en coulisses et l’équilibre précaire sur lequel semble avoir reposé la fabrication du film, Scream 4 est un nouveau départ plutôt réussi pour la franchise, qui ne se hisse certes pas au niveau du premier épisode mais n’a pas à pâlir face au deuxième, tout en adoucissant le goût amer laissé par le troisième. "Wes n’a pas forcément eu la vie facile avec ce scénario qui évoluait constamment, mais je l’ai vraiment trouvé au top, conclut Neve Campbell. Il a 71 ans et pète toujours autant la forme. Le plaisir qu’il prend à effrayer les gens n’a pas diminué. Je le voyais derrière son moniteur, en train de glousser dès qu’on filmait une scène de meurtre. Ça l’éclate et c’est génial à regarder." Criera bien qui criera le dernier...Par MATHIEU CARRATIER