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Tiens le revoilà, lui, le « Banni » du cinéma français. Viré par la porte, il revient par la fenêtre. Depuis une petite semaine, le premier film de Dieudonné se retrouve donc dispo un peu partout sur le net. Son titre : L’Antisémite. Bien, bien, bien… Fort logiquement on a affaire ici à un « nanar de comique télé », qui s’inscrit dans une grande tradition, aux côtés de L’Ame Sœur (de Bigard), T’Aime (De Patrick Sébastien) ou des Cléfs de bagnole (de Baffie). A ceci près que L’Antisémite repousse encore un cran plus loin l’amateurisme technique inhérent au genre, tout en se doublant d’un fond idéologique parfaitement rance.L'excuse du 25ème degréÇa commence sur les chapeaux de roues avec une reconstitution façon « actualités Gaumont » de la découverte d’Auschwitz par l’armée US à la fin de la guerre. Séquence où les camps sont finalement représentés comme une succursale du Club Med, et les crematoriums comme les restes d’une énorme barbecue party entre déportés. Trois minutes à peine pour se mettre dans le bain du révisionnisme ambiant, en attendant quelques instants plus tard l’apparition en guest de Robert Faurisson présenté ici comme un sympathique historien incompris. Après ce prologue qui donne le « la », il s’agit de se mettre à raconter une histoire, et non plus de faire n’importe quoi avec la grande, et c’est là que passée l’hallu initiale, les galères commencent pour Dieudonné. Le pitch : poussé par sa femme mourante, un antisémite maladif accepte de se faire psychanalyser par un thérapeute juif. Tout se complique quand on entend le premier « Coupez ! », et que l’argument de base se met à servir de prétexte pour raconter un tournage foireux et apocalyptique.  Noyé sous un fatras méta imbitable (film dans le film, virage mockumentary, doppelganger de Dieudo interprété par lui-même, embardées gonzo-trash), L’Antisémite se met à ressembler à une sorte de Ca tourne à Manhattan parasité par des mises en abîme infernales. Naviguant dans un brouillard fictionnel à couper au couteau, le film reste suffisamment opaque pour brandir à chaque débordement l’excuse du 25ème degré. De la mise à distance comme principe de, euh, cinéma. Dès lors tout est possible, comme ce moment où  Alain Soral, toujours au bon endroit au bon moment, débarque dans le rôle d’un producteur juif flanqué d’un imper en cuir - qui évoque immanquablement ceux de la Gestapo - mais siglé ici d’une étoile de David. Qu’est-ce qu’on se marre, bon sang…Un film inoffensif parce qu'avant tout irregardable Alors voilà ça distribue les taquets dans tous les coins, pas que pour les juifs du coup, non ça serait dommage, Dieudo en garde un peu sous le coude pour la grande famille du cinéma français et, ce qui dans son esprit équivaut à peu près au même, les pédés de tous horizons. 80 minutes, avec ça pour seul programme, forcément ça tire un poil en longueur. Heureusement tout se finit bien, sur une énorme jam en public où Dieudo et ses copains reprennent le Chaud Cacao d’Annie Cordy (refaçonné ici en « Shoah- nanas ») devant une foule en délire.Les inévitables procès et demandes d’interdiction du film arrivent déjà - la Ligue contre le racisme et l’antisémitisme a saisi mardi 10 avril le tribunal de grande instance de Paris pour faire interdire le film au motif qu’il serait « raciste et antisémite » -, ainsi que les inéluctables tweet-clash et autres polémiques 2.0 qui vont généralement de pair avec ce genre de package à la con. Seul hic là-dedans, L’Antisémite est un film absolument inoffensif, parce qu’avant tout irregardable, arythmique, nanardeux tendance interminable (on s’y est repris à cinq fois et deux jours pour en venir à bout). Si c’est de la propagande, alors c’est la plus mal confectionnée de toute l’histoire. Ici on préfère l’envisager comme l’œuvre terminale d’un type complètement cramé, devenu malade à force de tourner en boucle, même plus capable de griffonner une vanne potable sur 90 minutes de show. Pour lui c’est triste ; pour nous, une perte de temps. Circulez y a plus rien à voir.Romain Thoral