Sicario était le meilleur film en sélection officielle pour la Palme d’or. C’est une évidence pour nous. De tous les films, n’importe où (en compéte, hors compète, en sélection parallèle), Sicario a accompli l’impensable : chasser de nos têtes pendant deux heures les images flamboyantes de Mad Max Fury Road qu’on croyait indélébiles. Film de cartel définitif, plongée cauchemardesque au coeur des ténèbres de la lutte anti-drogue, autopsie terrifiante d’un monde de violence créé et gardé par des hommes… Sicario est un triomphe de cinéma total, avec notamment ce moment de folie où l’on traverse en voiture la ville de Juarez, vu à travers les yeux de l'agent du FBI joué par Emily Blunt. Moment de tension affolante et de cinéma brut qui synthétise Michael Mann, le film de guerre, le film d’horreur. Porté par un cast incroyable avec Emily en rookie blessé incapable de s’imposer et Benicio Del Toro charismatique comme jamais. >>> Cannes 2015 : Sicario est la première claque de la compèteOn a l’air d’en faire trop, mais le fait est là : Sicario est le mélange d’un vrai thriller yankee musclé et d’un trip mental hallucinatoire, jumeau de Zero Dark Thirty. Mais voilà, on a un peu l’impression d’être tous seuls à penser ça. Aucun prix au palmarès. Zéro pour Dark Sicario. Pas de Palme d’or évidemment, trustée par le Dheepan d’Audiard. Pas de Palme pour Benicio ou Emily. Pas non plus de prix de consolation comme la Mise en scène ou le Prix du jury. Le palmarès a de toutes façons été parfois paradoxal : Chronic de Michel Franco, film dont le script a été dégraissé à l’os (c’est Michel lui-même qui nous le dit) est reparti avec la Palme du Meilleur scénario tandis qu’Emmanuelle Bercot reçoit le Prix de la Meilleure interprétation féminine pour Mon roi, film centré et dominé sur Vincent Cassel. Pourquoi Sicario n’a-t-il rien eu ? >>> Audiard, Hou Hsiao-Hsien, Vincent Lindon : le palmarès de Cannes 2015Denis Villeneuve lui-même, qui signe là son chef-d’oeuvre, nous a laissé un indice : sa trop grand proximité avec le jury cannois. "Il ne manque plus que ma mère", rigolait Denis en conférence de presse en parlant du jury 2015 qui le touchait de près ou de loin : Xavier Dolan est québécois comme lui, les Coen sont les fistons de son chef op Roger Deakins, Guillermo Del Toro est un bon pote… La peur du copinage pourrait bien expliquer en partie le snobisme au palmarès (cf. les palmes de potes comme Tarantino / Michael Moore en 2004 ou HuppertHaneke en 2012) de Sicario. Mais pas seulement : le film a été reçu assez froidement par la presse, qui le considère -au mieux !- comme un bon film de genre malgré son ambition démesurée. Un film de genre comme les autres qui n’a rien à faire à Cannes et donc encore moins au palmarès. Sous le feu croisé de ces deux facteurs, Sicario s’est retrouvé de facto hors compétition. Au tapis.Sicario sortira le 7 octobre 2015 en France.