Noé est un chef d'oeuvre iconoclaste et intemporel
Paramount

Darren Aronofsky impressionne avec sa relecture biblique.

Alors que l’humanité est en train de détruire la planète, Noé a des visions de désastre imminent. Persuadé d’être inspiré par le Créateur, il entreprend de construire une arche destinée à préserver les espèces animales. Mais son projet excite la convoitise de Tubal-Caïn qui, lui, veut privilégier l’espèce humaine.

Après en avoir rêvé pendant quinze ans, Darren Aronofsky a fini par réaliser son projet de raconter l’histoire, étrangement inédite au cinéma, de Noé. Même s’il est très fidèle à la Bible, sa vision s’avère à la fois audacieuse et iconoclaste, intemporelle et indépendante. Le plus surprenant, c’est l’habileté avec laquelle il évite le formatage tout en utilisant à fond les moyens du blockbuster, y compris la licence artistique de mettre en scène des géants assez peu bibliques. Les groupes religieux de tous poils en ont profité pour rappeler qu’ils sont les seuls détenteurs de la vérité et qu’il faut donc se méfier de ce film qui invite à réfléchir et à penser librement. Ici, l’idée même d’humanité est remise en cause dans un contexte de survie qui confronte deux points de vue. D’un côté, Noé (Russell Crowe) est éclairé par une croyance qui finit par aveugler sa raison mais aussi ses sentiments. De l’autre, Tubal-Caïn (Ray Winstone) oppose une logique rationnelle qui, dans un autre contexte, serait qualifiée d’humaniste. Les deux attitudes se justifient et impliquent une part de monstruosité, chacun des protagonistes étant prêt à tuer pour défendre son but. À la fin, une colombe porteuse d’un rameau annonce la proximité d’un nouveau monde de paix. Beau symbole qui n’a rien de candide au vu du prix à payer, illustré précédemment par des images d’apocalypse d’une noirceur fascinante.
Gérard Delorme