Mes meilleurs copains
Gaumont

La comédie de Jean-Marie Poiré avec Christian Clavier et Jean-Pierre Darroussin revient sur CStar.

Échec cuisant à sa sortie en 1989, cette comédie de potes signée du tandem Clavier-Poiré s’est assuré un joli succès grâce au petit écran. Rebelote sans doute à 21h, sur CStar.

Mes meilleurs copains sort sur les écrans le mercredi 1er mars 1989, distribué à grand renfort de publicité par Gaumont. Gros casting (Lanvin, Clavier…), gros réalisateur (Poiré, l’homme derrière Le Père Noël est une ordure et Papy fait de la résistance), gros espoirs (des millions, forcément). Le principal concurrent du jour est la nouvelle comédie burlesque de David Zucker, Y’at- il un flic pour sauver la reine ? Loin de faire exploser les compteurs, le lieutenant Frank Drebin (Leslie Nielsen) va tout juste dépasser les 600 000 entrées en bout de course. C’est déjà ça. Mes meilleurs copains en fera… deux fois moins. Un four inexplicable. Est-ce ce satané parapluie rouge, sous lequel s’abritent les héros et l’héroïne sur l’affiche, qui refroidit les ardeurs des spectateurs ? Pourquoi cette image pluvieuse, quand le film n’évolue sous aucun climat particulièrement capricieux sinon celui du coeur des hommes ? Toujours est-il qu’à l’aube d’une nouvelle décennie, Jean-Marie Poiré ne semble plus posséder ce mojo qui avait fait de lui le patron du box-office français durant les années 80. Même son lourdingue Twist again à Moscou avait trouvé son public trois ans plus tôt. L’humeur de la société française qui vient de réélire François Mitterrand malgré les désillusions du premier septennat aurait-elle changé ?

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CARICATURE. Si on se range du côté d’une logique artistique implacable – et bien sûr chimérique – qui voudrait que seuls les bons films rencontrent du succès, il n’y aurait pas de quoi crier à l’injustice. La pauvreté de la mise en scène de Mes meilleurs copains saute immédiatement aux yeux avec ses cadrages à l’emporte-pièce, son montage poussif et sa lumière qui n’essaie même pas d’être un minimum raccord. Ainsi, lors du premier dîner (déjeuner ?) dans la maison de campagne, personne ne semble vraiment savoir à quelle heure du jour on est. Disons que l’assistant- réalisateur et la scripte avaient fumé le restant de moquette de Dany (Jean-Pierre Darroussin dans le rôle du pote lymphatique). Sous son aspect ludique et vaguement nostalgique avec ses flash-back hippies, le scénario, coécrit à quatre mains par Clavier et Poiré, ne parvient pas vraiment à dégager une psychologie d’ensemble. Une fois esquissés, les personnages n’ont pas autre chose à renvoyer qu’une vague caricature d’eux-mêmes : le beau gosse supposément rangé des voitures (Gérard Lanvin) le bourgeois insatisfait (Christian Clavier), le pubard râleur (Jean-Pierre Bacri) ou encore l’intello triste (Philippe Khorsand). Tout ce cheptel se retrouve agglutiné autour de la femme qu’ils ont tous jadis désirée plus ou moins en secret (la volcanique Louise Portal). On semble loin des modèles du genre, Vincent, François, Paul et les autres de Claude Sautet ou le diptyque de L’Éléphant d’Yves Robert, qui parvenaient – l’un par sa gravité tempétueuse, l’autre par sa folie douce – à sonder les failles de ses héros. Alors oui, la logique du bon goût a été respectée. Sauf que non. Elle avait tout faux.

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ANGOISSE D’UNE GÉNÉRATION. Une fois retiré des écrans dans une indifférence générale, Mes meilleurs copains s’éclipse doucement des esprits. Dans les bureaux de la Gaumont, on essaie sûrement de trouver ce qui a bien pu gripper la rutilante machine (ce fameux parapluie sur l’affiche, le ton pas franchement festif de l’ensemble, les allusions récurrentes au cannabis et au sexe un poil too much pour le grand public…) Et puis, un, deux, trois, quatre passages télé en prime time et une sortie en VHS redonnent vie au film et dissipent un malentendu. Les mots d’auteur (« Y’a pas mort d’homme ! », « Le joint a considérablement élargi ma conception de l’art ! »), font enfin mouche et s’échangent un peu partout. Pour la critique, dans un subtil renversement de tendance, Poiré devient carrément le nouveau Risi. Personne ne s’était rendu compte que la désinvolture supposée de l’ensemble faisait en réalité corps avec des personnages incapables de trouver leur place et que l’apparente décontraction masquait l’angoisse d’une génération d’adultes qui, au seuil des années 90, pressentait un possible retour de bâton. À l’écran, les personnages ne tiennent d’ailleurs pas en place, ne cessent de marquer leur inconfort, de buter contre un espace sans cesse morcelé. Richard, Jean-Michel, Éric et Antoine se lèvent, se rassoient, montent quatre à quatre des escaliers, entreprennent un raid à vélo en pleine nuit, impulsant une énergie bizarre et dévastatrice. Les flash-back forcément idéalisés contrastent avec un présent aux couleurs dévitalisées. En cette fin des roaring eighties, Poiré et Clavier ne remettent pas en cause leur privilège de classe, ne pleurent pas un passé cool, ils déplorent simplement la mollesse d’un présent sans souffle ni vigueur. Aucun des protagonistes dans cette histoire n’a pour fonction de racheter les autres. La mélancolie semble interdire les mises au point, les sautes d’humeur. Seul Antoine (Khorsand), le théâtreux qui n’a pas renoncé à ses idéaux, exprime haut et fort ses doutes, mais ne trouve aucune oreille attentive auprès de ses « meilleurs copains ». On peut donc retirer le parapluie et laisser l’averse dégouliner sur les beaux costards de ce Copains d’abord français.


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