Ma vie de courgette
Gébéka Films

Un film en stop-motion franco-suisse qui rivalise avec les meilleurs du genre américains, c’est possible. La preuve.

Ma vie de courgette, César du meilleur film d'animation 2017, sera diffusé pour la première fois en clair à 21h sur France 4. Voici notre critique.

Claude Barras est ce que l’on appelle un « illustre inconnu » : dans le petit monde fermé de l’animation, c’est une sommité. Une pointure. Au tour du grand public de s’en rendre compte avec Ma vie de courgette qui s’inscrit dans la droite ligne de son travail depuis 1998. Ce réalisateur suisse, diplômé en illustration et en infographie, a notamment signé quelques petits joyaux (Sainte Barbe, Au pays des têtes, visibles sur Youtube), des courts métrages dans lesquels il a affiné sa technique (l’animation de marionnettes image par image) et son univers étrange (entre Tim Burton et des cinéastes européens comme Garri Bardine).

 


 

Festival d'Annecy 2016 : le triomphe de Ma vie de courgette

Céline Sciamma au scénario
Pour son premier long métrage, au ton une nouvelle fois très personnel, il a fait appel à Céline Sciamma, la cinéaste de l’enfance blessée (Tomboy, Bande de filles), pour le seconder sur l’adaptation d'Autobiographie d'une courgette, le roman de Gilles Paris. Un choix cohérent si l’on considère les contours délicats de cette histoire qui dresse le portrait d’un enfant, matricide par accident, qui échoue dans une maison d’accueil en pleine campagne où il retrouve d’autres gosses isolés pour différentes raisons. Le film raconte ainsi le difficile apprentissage de la vie lorsqu’elle débute dans la douleur. Le trait est aussi sensible que le choix de filmer des marionnettes en stop-motion pour un résultat qui mêle l’expressionnisme visuel et le "réalisme" des personnages et des situations.

Ma vie de Courgette : "On peut aller loin en s'adressant aux enfants"

Des personnages incarnés
Nommé Icare (métaphore de son rêve d’envol, donc d’oubli), le jeune héros possède un cerf-volant sur lequel est dessiné d’un côté son père et de l’autre, une poule parce que ce géniteur absent "aimait les poules". Cette belle idée illustre à merveille les enjeux d’un film qui traite de la pire des choses, l’abandon, avec toujours à l’esprit un souci de dédramatisation -pas de musique sursignifiante non plus- qui le prévient de tout misérabilisme. La caractérisation des personnages est l’autre grande réussite de Sciamma et du réalisateur Claude Barras qui les croque avec la justesse du caricaturiste averti. Nul doute que vous éprouverez pour les enfants du film, aussi abstraits qu’incarnés, toute la tendresse du monde. @chris_narbonne