Guide du 13 novembre 2019
Twentieth Century Fox France / Gaumont Distribution / Paname Distribution

Ce qu’il faut voir cette semaine.

L’ÉVENEMENT

J’ACCUSE ★★★★☆
De Roman Polanski

 

L’essentiel
Roman Polanski retrace l'affaire Dreyfus dans un film ambigu et puissant.

Où se cache Roman Polanski dans J’accuse ? Quels échos de sa propre « affaire » entend-on dans son récit de l’affaire Dreyfus ? On aimerait pouvoir regarder ce film en évitant les parallèles hasardeux, en « séparant l’homme de l’artiste » (comme on dit). Mais la tâche est rendue difficile par le dossier de presse, dans lequel Pascal Bruckner, interviewant Polanski, se permet une comparaison lamentable entre les persécutions nazies puis staliniennes subies par le cinéaste dans le passé et le « mccarthysme néo-féministe » (sic) qui le « pourchasse à travers le monde » aujourd’hui. En réponse, Polanski dit bien connaître certains des « rouages du système de persécution » qui furent à l’œuvre dans l’affaire Dreyfus. Si on voulait voir J’accuse sans que le visage de l’auteur ne se superpose aux images, c’est raté.
Frédéric Foubert

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PREMIÈRE A AIMÉ

LE MANS 66 ★★★☆☆
De James Mangold

Il serait facile de résumer le film à son titre américain : Ford v Ferrari. Au milieu des années 60, le fabricant emblématique de l’Amérique veut se construire une crédibilité de constructeur pour enrayer la baisse de ses ventes. Henry Ford, deuxième du nom, se lance dans la course d’endurance face au champion de la catégorie, l’Italien Ferrari. Pour prouver aux automobilistes que ses voitures vont vite, il lui faut gagner des courses. Et surtout une : les mythiques 24 Heures du Mans. Dès lors, il faut recruter le meilleur connaisseur du dossier, Carroll Shelby, un coureur devenu préparateur automobile, et le meilleur volant du comté, Ken Miles, un mécanicien au caractère buriné par le cambouis. Ensemble, ils conçoivent et peaufinent la voiture qui permettra à Ford de faire rimer États-Unis avec suprématie et Le Mans avec argent.
Sophie Benamon

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NOURA RÊVE ★★★☆☆
De Hinde Boujemaa

Cinq jours. C’est le temps qui reste à Noura (Hend Sabri, magistrale) pour enfin être autorisée à vivre au grand jour son amour avec son amant. Cinq jours avant que son divorce avec Jamel, le père de ses trois enfants, en prison depuis un petit moment, ne soit officialisé. Une peccadille au regard du temps passé à se cacher, puisqu’en Tunisie l’adultère peut encore être puni d’une peine de prison de cinq ans. Mais voilà que juste avant le jour J, Jamel est libéré et vient reprendre sa place dans sa famille, avant de découvrir le pot aux roses. Désormais, Noura rêve devient un film sous tension. Une course contre la montre pour garder le secret avant que ce fameux divorce ne soit prononcé. À l’image de nombre de ses confrères, Hinde Boujemaa aurait pu se contenter de faire un de ces films sujets où seul compte le message que l’on délivre. Le message, son portrait acéré d’une société tunisienne actuelle où l’arbitraire, la corruption et un patriarcat violent empoisonnent le quotidien, passe bel et bien. Mais la cinéaste ne s’en contente pas. Elle va au bout des situations et de ses personnages, ne les réduit jamais à des caricatures, les méchants d’un côté, les bons de l’autre. En fait, Noura rêve est un film sur le mensonge. Celui d’une femme pour sauver sa peau, de son amant pour se débarrasser de son rival et d’un mari amoureux de sa femme et incapable de la dénoncer. Le tout symbolisé par un incroyable plan-séquence d’interrogatoire de police de 12 minutes confrontant les trois protagonistes dans une atmosphère de suspense à couper au couteau. Du grand art.
Thierry Cheze

KOKO-DI KOKO-DA
★★★☆☆
De Johannes Nyholm

Midsommar d’Ari Aster a brutalement replacé la Suède sur la carte de l’horreur. Koko-di Koko-da part dans la même direction en envisageant la crise d’un couple comme catalyseur d’une violence extrême. Quelques mois après la mort de leur enfant, Elin et Tobias partent camper dans la forêt pour rallumer la flamme d’un amour vacillant. La première nuit sous la tente se passe sans encombre jusqu’à ce que l’aube survienne et qu’Elin quitte le nid pour aller se soulager. Elle va bientôt être attaquée par une bande de personnages tout droit sortis d’une comptine pour enfants : un géant, un vieux monsieur en costume blanc, une jeune fille soumise et un chien baveux. Horreur. Tobias observe impuissant le massacre depuis son sac de couchage. Il n’a pas le temps de reprendre ses esprits qu’une boucle spatio-temporelle l’oblige à revivre inlassablement cette matinée cauchemardesque. À ceci près qu’à chaque fois, le modus operandi des croquemitaines varie. Sous son aspect volontairement ludique, ce Jour sans fin version trash réalisé par le Suédois Johannes Nyholm met en place un petit théâtre (certaines séquences sont racontées en ombres chinoises) où se déversent les frustrations, les angoisses et les lâchetés qui peuvent composer une vie à deux. Comme chez Aster, les dérèglements visibles à l’écran ne sont rien comparés à ceux qui régissent l’intériorité des êtres qui habitent le cadre. Un film à rapprocher également du formidable Long Weekend de Colin Eggleston qui a récemment bénéficié d’une ressortie en salles.
Thomas Baurez

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PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ

LITTLE JOE ★★☆☆☆
De Jessica Haussner

Dans un laboratoire pastel, des scientifiques font pousser une fleur dont le parfum est capable de changer le comportement des gens. Et si ce changement était complètement imperceptible ? En ces temps où les expériences déprimantes de Black Mirror semblent avoir totalement contaminé la science-fiction, c’est une jolie idée, plus parano qu’on y croirait. Non, pas de possession gore, pas de pulsions sexuelles louches, pas de maladie de peau... La peur est en soi-même, et non dans l’autre, comme dans L’Invasion des profanateurs de sépulture. Mais il en résulte un petit film auteurisant et lent, qui ne raconte pas grand-chose, qui ne bouge pas vraiment (on ne voit pas trop non plus ce qui a poussé le jury de Cannes 2019 à donner son prix d’interprétation à Emily Beecham, d’ailleurs). Ça change sans rien changer.
Thierry Cheze

J’AIMERAIS QU’IL RESTE QUELQUE CHOSE
★★☆☆☆
De Ludovic Cantais

Régulièrement, des enfants de victimes de la Shoah viennent apporter au mémorial de la Shoah les derniers vestiges d’une mémoire : des témoignages, des lettres, parfois même des objets. Des bénévoles sont là pour les recevoir. Ludovic Cantais filme ces moments, les entrevues fragiles entre des héritiers d’une histoire grave et des personnes chargées de les écouter. Certains récits sont bouleversants. On repense ainsi longtemps à l’homme au bateau que son père a sculpté pour lui à Drancy. D’autres traînent en longueur. Et, au final, la promesse du film n’est pas tout à fait tenue car on en apprend trop peu sur les raisons qui poussent les bénévoles à venir recueillir la parole. Reste une lueur pour ces hommes et ces femmes qui tiennent à ce « qu’il reste quelque chose »
Alexia Couteau

LE BEL ÉTÉ
★★☆☆☆
De Pierre Creton

Où sommes-nous ? Sur quel territoire ? Le réel semble rattraper la fiction, ou plutôt l’enveloppe, et oblige à ne pas essayer de trancher. Ici, l’intime est un continent propre à rassembler et à marier des corps étrangers. Nous sommes à Vattetot-sur-Mer en Normandie sur les terres de Pierre Creton, plasticien et cinéaste. Des Français accueillent des migrants venus de l’autre côté de la Méditerranée via l’association Des lits solidaires. On va vivre et observer cette cohabitation le temps d’un été. La mise en scène semble parfois tenir du dispositif resituant des conversations comme prises sur le vif. Le ton un tantinet lénifiant oblige à rester vigilant. Et puis, des séquences plus charnelles relancent la machine. Le film laisse toutefois une impression de sur-place où les sentiments semblent comme prisonniers d’eux-mêmes.
Thomas Baurez

PRENDRE SOIN
★★☆☆☆
De Bertrand Hagenmüller

Une équipe de soignants de malades d’Alzheimer dans une maison de retraite raconte son quotidien, sa relation aux patients, l’amour du métier... Il en résulte un documentaire parfois charmant, mais dont on a peine à percevoir le sens véritable – à part celui de donner une image positive (et, dans ce cas, méritée) des employés de maison de retraite. Quelques jolies scènes, une certaine lenteur, pas vraiment d’angle. En comparaison, le documentaire Les Yeux ouverts de Frédéric Chaudier, qui filmait une unité de soins palliatifs en 2010, explorait avec bien plus d’émotion la mort des corps et surtout des souvenirs. Une émotion que Prendre soin, faute de trop s’attacher aux patients comme aux infirmiers (les familles sont aussi laissées hors champ), finit par laisser de côté.
Sylvestre Picard

 

PREMIÈRE N’A PAS AIMÉ

RENDRE LA JUSTICE ★☆☆☆☆
De Robert Salis

Trop de pédagogie tue la pédagogie. Ce docu qui ambitionne de raconter la justice à travers ceux chargés de la dispenser commence par un passage en revue des différents tribunaux, de leurs fonctions précises, avant d’entrer dans le vif du sujet. Ce côté scolaire donne le la de son film. Une succession d’interviews (dont celle, passionnante, de François Molins qui éclipse les autres) qui auraient pu être montées dans un ordre différent et reliées par des plans « artistiques » de ville ou d’intérieur de palais de justice comme pour meubler le temps qui passe. En dépit de ses bonnes intentions, le travail de Salis se situe à l’exact inverse de celui d’un Depardon sur le sujet. Raymond Depardon ne cherche pas à faire de la pédagogie mais avance avec la certitude que ce et ceux qu’il filme raconteront tout. Voilà pourquoi ses docus sont faits pour le grand écran quand Rendre la justice aurait pu se contenter du petit.
Thierry Cheze

L’ÂME DU VIN
★☆☆☆☆
De Marie-Ange Gorbanevsky

Qu’est-ce qu’un grand cru ? La documentariste Marie-Ange Gorbanevsky s’est intéressée aux cépages de Bourgogne et nous raconte le lent travail de la vigne. Interrogeant vignerons et sommeliers, elle tente de décrire ce qui fait la réussite des crus à la renommée mondiale : Romanée-Conti, Gevrey-Chambertin, Meursault... Son film se déplie lentement, trop lentement, dans une vision de la nature au fil des saisons. Certes, les cadres sont beaux. Certes, on assiste à une jolie séquence sur les vendanges sur fond de musique jazz. Mais la lassitude gagne. Ceux qui s’intéressent à l’œnologie sont déjà au courant du processus, les autres n’arriveront pas à s’accrocher. Les interviews tirent en longueur et certaines confinent même au verbiage incompréhensible. À réserver aux initiés... même s’ils risquent de s’y ennuyer.
Sophie Benamon

 

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