Inception
Warner Bros

Le film de Christopher Nolan revient à 21h sur TFX.

Inception de Christopher Nolan, est-il un film de rêve ? A sa sortie en juillet 2010, le long métrage de Christopher Nolan avait divisé la rédaction. Nous repartageons les critiques de Première, à l'occasion de sa rediffusion ce soir, sur TFX.

L'avis de Gaël Golhen :

"Après le succès total (public et critique) de The Dark Knight, Christopher Nolan s'octroie une pause auteurisante avec Inception. Tu parles d'une pause ! Nolan commet l'exploit de réunir le casting le plus brillant de l'année (autour de DiCaprio / Cotillard, on trouve les indispensables Tom Hardy, Joseph Gordon-Levitt, Cillian Murphy, Ellen Page), dans une intrigue complètement dingue dans son fond comme dans sa forme. D'une beauté hallucinante (certaines séquences sont à tomber par terre), ce film de casse mental, dont il serait criminel de révéler le moindre détour de scénario, est bien parti pour être le mètre étalon des thrillers de studio pour la décennie qui vient."

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L'avis de Sylvestre Picard : 

Christopher Nolan, après avoir donné à la Warner le plus gros succès de son histoire avec The Dark Knight, veut rééditer un hold-up planétaire avec Inception. Ce film de casse mental est, contrairement aux rumeurs, d'une clarté limpide, tant dans le fond (on ne fait pas un blockbuster avec un scénario imbitable) que dans la forme. Certains ici ont dit tout le bien qu'ils pensaient de cet opus impressionnant et ce serait bizarre d'en dire du mal vue l'unanimité critique. Et pourtant, Inception n'est ni le nouveau Matrix, ni un thriller novateur stupéfiant d'originalité. Tout comme Memento ou The Prestige, les astuces de scénario et de mise en scène peuvent aussi être vues comme des cache-misères.

Soyez prévenus : vendu comme le nouveau Matrix, Inception n'est pour certains qu'un banal film de casse. Contre la doxa, voilà cinq points qui ont vraiment déplus à notre critique. Vous êtes d'accord avec lui ? Qu'avez-vous pensez du film ? Un chef d'oeuvre ou une série B gonflée à la cortisone et très surestimé ?

1. Marionnettes humaines
Le défaut le plus évident d'Inception ce sont les personnages. Prenons Dom Cobb (DiCaprio), héros sans saveur ni originalité : hanté par le deuil, il fait quand même une dernière mission (comme toujours), celle que personne ne peut réussir. Devinez quoi ? A la fin, il réussit. Précisons que DiCaprio porte un bouc, comme dans Les Infiltrés, Mensonges d'Etat, ou Blood Diamond. Son personnage sera donc un voyou vaguement borderline. Quant à Marion Cotillard, Nolan sème des indices autour d'elle : la chanson "Je ne regrette rien" d'Edith Piaf passe en boucle durant le film. Histoire de rappeler le succès planétaire de la môme Marion ? Ou de rappeler que Cotillard est la petite fiancée des français ? Les seconds rôles, bien qu'interprétés par de formidables comédiens, ne sont que des esquisses. Exemple : la rivalité entre les formidables Tom Hardy et Joseph Gordon-Levitt n'est pas du tout exploitée. La palme : Michael Caine, qui vient payer son tiers provisionnel dans un rôle à la noix (qui peut se résumer ainsi : "Dom, tu es responsable de la mort de ma fille, et tu viens me demander un service : pas de souci !"). Seul Cillian Murphy tire véritablement son épingle du jeu : mais bon, son rôle d'héritier d'un empire industriel en conflit avec son père est complètement tronqué, et le film s'achève juste au moment où il devient intéressant. Et non, vous ne rêvez pas : c'est bien Tom Berenger (Sniper, Sniper 2, Sniper 3) qui, dans le rôle du tonton de Cillian Murphy, se prend pour Marlon Brando.

2. Mort à la nouvelle chair
Le monde d'Inception ne connaît plus la violence, la douleur, le sang. La mort n'est qu'une sortie du jeu. Comme dans The Dark Knight, où la blessure d'Harvey Dent n'était qu'un effet numérique. Autant dire que la chair n'a plus d'intérêt. Le Cronenberg de Videodrome et ExistenZ est enterré. Dans Matrix également, tout finissait par se ramener au corps, enjeu de la bataille entre hommes et machines. Quel intérêt aux scènes d'action, alors ? Comment trembler pour les héros quand on sait qu'une balle dans la fiole ne fera que les réveiller ? La crédibilité du suspense en prend un sacré coup. Nolan, ici seul au scénario, n'a plus son comparse David S. Goyer (co-scénariste de Batman Begins et Dark Knight) pour balancer le quota geek du script. On avait loué Nolan pour son talent d'équilibriste entre le purisme geek et la lisibilité consensuelle (Batman, encore une fois). Ici encore, il a le cul entre deux chaises et parvient à flouer tout le monde.

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3. Le monde ne suffit pas
L'un des arguments du film était que le monde des rêves n'était pas un délire psychédélique comme dans The Cell de Tarsem Singh. Dommage : vu comme ça, le monde des rêves est complètement soporifique, à force d'aligner des barres HLM. Dans Inception, tout est absurdement gris. "Gris, gris, grrrrrrrrris" (Beckett, Fin de partie). Inception et ses échos transhumanistes dépeint le monde des rêves de manière bien triste et uniforme. Chambres d'hôtels impersonnelles, cabines classe affaire en 747, base secrète grise perdue dans la neige, les décors sont perdus entre la fadeur du gris et le blanc, image d'un désir de pureté, ce "vitriol de l'âme" (Michel Tournier). Enfin, on ne saura guère pourquoi le tournage s'est égaré entre New York, le Japon (une plage triste), le Maroc (une falaise et une rue pleine d'émeute) et Paris (seule ville reconnaissable), tant les lieux sont interchangeables et, encore une fois, dépourvus de spécificités.

4. L'illusionniste
Il faut reconnaître, en ces périodes où l'on convertit les blockbusters en 3D à tout va, au mépris du travail des directeurs de la photo, qu'Inception se situe à des années lumières des grosses productions. Le niveau de détail est à tomber par terre, la profondeur de champ hallucinante... Mais à quoi sert cette grosse artillerie ? Les scènes les plus impressionnantes n'ont pas d'appui narratif. Lorsqu'Ariane (Ellen Page) apprend les règles de la construction des rêves, les scènes sont hallucinantes. mais gratuites : d'accord, voir Paris se replier littéralement est complètement dingue. Mais ça sert à quoi ? On ne la verra pas faire les mêmes tours de passe-passe pendant le dernier tiers du film, là où la scène la plus dingue reste le combat en apesanteur, qui n'a pas le côté plaisir coupable du bullet time originel.

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5. Fin de partie
Conclusion : Inception est une terrible arnaque. Alors, certes, le cinéma est toujours l'art de l'arnaque, de nous faire gober des trucs pas possibles. Mais les meilleures arnaques sont celles dans lesquelles on replonge toujours avec délice. A l'image de son plan final, tellement grillé à dix mille bornes qu'on a honte de le voir, Inception ne supportera pas sa deuxième vision.