Bong Joon-ho Festival Lumière 2019
Reynaud Julien/APS-Medias/ABACA

Le réalisateur de Parasite, qui vient de rafler quatre Oscars, expliquait son cinéma à Lyon, en octobre dernier.

Mise à jour du 11 février 2020: Après le triomphe de Parasite aux Oscars, nous vous reproposons cet article qui résume les meilleurs moments de la master class qu'avait donné Bong Joon-ho au Festival Lumière. 

Article du 18 octobre 2019 : Cette année encore, le Festival Lumière à Lyon reçoit des invités prestigieux. Et parmi l’un d’eux, figure le lauréat de la Palme d’Or 2019. Bong Joon-ho, réalisateur de Parasite, était effectivement présent pour une Master Class ce jeudi 17 octobre. Au menu : un retour sur son œuvre au cinéma, sur ses manières de créer et de travailler avec ses acteurs, ses goûts, et bien évidemment quelques plaisanteries.

Si le cinéaste a connu encore une fois la gloire en France récemment pour Parasite, ce n’est cependant pas cette comédie noire qui a lancé les débats. Le créateur s’est en effet d’abord exprimé sur une autre œuvre phare de son travail : Memories of Murder, polar sombre de 2003, s’inspirant d’une série de crimes perpétrés sur des femmes de tous âges dans les années 80. Alors que Bong Joon-ho préparait et réalisait son long-métrage, le responsable des meurtres et viols des dix femmes à Hwaseong en Corée du Sud n’avait jamais été retrouvé. Ce qui, finalement, avait fini par hanter le cinéaste et l’obséder : "Concernant l’image du criminel, pendant l’écriture du scénario j’avais l’impression de devenir fou. J’avais fait énormément de recherches, j’avais rencontré les policiers, le voisinage, les proches des victimes, mais la seule personne suspectée, je n’ai pas pu lui parler. Alors je ne pouvais qu’imaginer. La seule possibilité pour moi c’était de m’appuyer sur des films. J’ai vu La Vengeance est à moi de Shohei Imamura, Cure de Kiyoshi Kurosawa. Je regardais ces films-là en me demandant à quoi pouvait ressembler le vrai tueur."

Memories of Murder : Bong Joon-ho réagit à l'arrestation du tueur présumé

"Pour Memories of Murder, il y avait cette pression due au fait que le film est tiré de faits réels, rappelle-t-il. "Le film met en scène des policiers des années 80 : ils ne sont donc pas du tout comme ceux d’aujourd’hui, qui peuvent profiter des avancées de la science. Ce sont des policiers qui travaillaient pendant la dictature militaire. Mais d’ailleurs, vous saviez que le tueur en séries a été arrêté ?" Car oui, l’assassin a été retrouvé cet été, grâce à des traces ADN. Plus de vingt ans après l'affaire morbide, le responsable ne risque cependant pas la prison, le délai de prescription étant dépassé depuis 2006. "C’est une enquête qui a été non classée, toujours entourée de mystère," a confié le réalisateur. "Je rêvais de voir le criminel mais ce n’était pas possible. Maintenant, ça fait 16 ans que le film est sorti. Moi qui rêvais de voir le tueur, je l’ai découvert en photo, et j’ai eu des sentiments très complexes, très troubles. J’aimerais garder le film tel qu’il est mais c’est vrai que le spectateur le verra d’une façon différente. Ça deviendra sûrement une sorte d’archive de l’époque."

Après Memories of Murder, œuvre devenue culte depuis, Bong Joon-ho s’est tourné vers un autre genre cinématographique en signant The Host. Une transition qu’il trouve logique : "Quand j’écris le scénario, ce n’est pas quelque chose d’intentionnel, mais en prenant du recul je vois que le nouveau film est toujours une réaction au film précédent. Mon premier long-métrage - j’espère que peu de monde l’a vu et que plus personne ne le verra -, mon premier long-métrage (Barking Dog) est une toute petite histoire racontant des détails de la vie de tous les jours. En réaction à ça, j’ai fait Memories of Murder qui relate des faits réels, ce qui m’a mis sous pression. Alors j’ai ensuite fait The Host, qui est de la science-fiction fantaisiste. On y trouve l’absence de la figure maternelle, qui est au centre du film. Puis j’ai fait Mother, qui se concentre cette fois sur le rôle d’une mère. Bon, par contre, pour Snowpiercer, c’est juste que j’aimais la BD originale."

Snowpiercer : comment Bong Joon-ho a floué Harvey Weinstein

Pour Snowpiercer, Bong Joon-ho ne s’est plus contenté d’un casting coréen : cette fois, le réalisateur a dirigé des acteurs comme Jamie Bell, Chris Evans ou encore Tilda Swinton. Cette dernière sera d’ailleurs de retour devant la caméra de l’artiste pour Okja en 2017, dans laquelle elle traque un cochon génétiquement modifié et élevé pour sa viande. Mais pour le cinéaste, une telle production n’est pas un objectif à atteindre : "Je n’ai pas fait Okja parce que je voulais aller voir ailleurs qu’en Corée. C’est comme pour Snowpiercer : je ne rêvais absolument pas d’un casting international, c’est juste que je faisais un film sur les derniers survivants de l’humanité. Et si les derniers survivants n’étaient que des coréens du Sud et du Nord, ça aurait été bizarre. Pour Okja, c’est pareil : l’histoire implique des personnages de plusieurs pays, j’avais donc besoin d’acteurs de plusieurs nationalités. Il a fallu gérer différents lieux et différentes équipes, ce qui est très épuisant pour un metteur en scène. Même chose pour les effets spéciaux : il y a environ 300 plans avec l’animal. J’aurais vraiment aimé un distributeur automatique de plans pour le cochon, mais il paraît que ça n’existe pas. En tout cas ça m’a fait d’autant plus plaisir d’enchaîner sur Parasite, avec juste deux maisons, pour deux familles. C’est comme si je regardais une histoire au microscope."

Bong Joon-ho refuse les offres en provenance d’Hollywood

Et pour le film qui lui a valu la Palme d’Or en 2019, Bong Joon-ho refait appel notamment à un acteur qu’il connaît bien : Song Kang-ho, présent au casting de la plupart des films de l’auteur dont Memories of Murder, dans lequel il incarne le détective Park Doo-Man. Une collaboration qui fonctionne bien, peut-être en partie grâce à la manière de travailler du réalisateur : "Mes acteurs et moi, on n’aime pas vraiment répéter. Mais quand on le fait, je les filme. Parce que ce n’est pas encore rôdé, maîtrisé, les acteurs ne sont pas sur la même longueur d’ondes. Alors ça donne parfois des résultats beaucoup plus réalistes. Et puis, bien sûr, les acteurs ont tous des caractères et des jeux différents. Évidemment, mon but reste de les mettre à l’aise. Généralement ce sont eux qui ne veulent pas. Dans Parasite, le garçon qui joue le petit de neuf ans est venu me voir et m’a dit : "Ah non, je n’aime pas répéter, on filme tout de suite !""

Le Festival Lumière de Lyon continue jusqu’au 20 octobre. Pour plus d’informations sur la programmation et réserver des billets, rendez-vous sur le site officiel.

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