Emilie Bierre dans Une Colonie
Lena Mill-Reuillard/Etienne Roussy

Rencontre avec cette Québécoise qui est de tous les plans du premier long de cette subtile variation sur l’adolescence. Et qui à 15 ans fête déjà… ses dix ans de carrière !

Comment est née chez vous le désir de devenir comédienne ?

Emilie Bierre : C’est arrivé très tôt. Dès 4 ans, je faisais une fixette sur les pubs mettant en scène des enfants. Je n’arrêtais pas de demander à mes parents comment je pouvais moi aussi poser pour ces photos- là. J’étais une petite fille hyperactive, je n’arrivais pas à rester assise pour regarder un film. Il fallait que je me lève, je chante, je danse. Je me faisais mes petits spectacles à moi. J’étais dans mon univers, je créais mes personnages. Mes parents ont pu penser que j’allais avoir une autre lubie. Mais j’ai tellement insisté qu’ils m’ont autorisé à passer un premier casting pour ma marque de vêtements favorite, Souris mini, que j’ai décroché. J’ai alors enchaîné avec plusieurs autres séances photos. Et, dans la foulée, j’ai décroché mon premier rôle à 5 ans dans un long métrage, La Voie de l’ombre

Comment passez- vous alors du mannequinat enfant au cinéma ?

Mes parents étaient à mille lieux de ce monde- là. Mais j’ai réussi à les convaincre de me mettre dans une agence qui m’a permis d’avoir accès à des auditions pour le cinéma. Tout est allé alors très vite mais avec mes parents, on ne s’est jamais senti débordé, happé ou dévoré par ce milieu qu’on ne connaissait pas. De l’intérieur, j’ai l’impression que tout s’est fait très progressivement et je ne les remercierai jamais assez de la manière dont ils m’ont accompagnée : en écoutant mes envies mais en restant très présent

Comment avez-vous vécu cette première expérience ?

Je jouais une enfant battue. Mais malgré ce sujet extrêmement dramatique, j’ai vécu ce moment dans un sentiment de bonheur ininterrompu. J’étais une enfant très calme, presque timide. Mais en auditions et encore plus sur un plateau, j’étais tout l’inverse : très extravertie et démonstrative. J’adorais crier, me mettre en colère, exploser. Bref me métamorphoser. Et cela restait toujours une ambiance de jeu, y compris dans les scènes les plus dures. Puis après quelques pubs, j’ai décroché à 7 ans mon premier rôle principal dans Catimini, l’histoire de quatre jeunes filles en famille d’accueil. Et là ce fut le déclic définitif. Je n’ai jamais eu de scénario en main. On créait les scènes jour après jour sur le plateau. Mon personnage ne parlait pratiquement pas donc tout passait par les regards, les silences, l’intériorité des sentiments. A partir de là, dès qu’on me demandait ce que je voulais faire quand je serais grande, je pouvais répondre avec certitude : actrice. Et j’ai la chance depuis de n’avoir jamais arrêté. Ca fera 10 ans cette année !

Oui, car à partir de ces premières expériences, tout s’est enchaîné pour vous entre cinéma et la télévision où la série Les beaux malaises vous a rendu populaire au Québec. Comment surgit Une colonie dans ce parcours ?

Par un processus classique d’auditions. Et dès les scènes qu’on m’a demandé de jouer, ce personnage de Mylia, aussi timide que farouche, a trouvé un écho en moi. J’ai même fait pleurer la réalisatrice Geneviève Dulude-de-Celles à la première audition ! (rires) Mais le processus de décision a été très long. On était deux comédiennes en lice dans la dernière ligne droite. Et c’est pile le jour où j’expliquais à ma mère que c’était foutu que Geneviève m’a appelée pour me demander si j’acceptais de devenir sa Mylia !

Pourquoi ce personnage vous a parlé autant ?

Grâce à la façon dont Geneviève l’a imaginée, aux mots qu’elle employait dans le scénario pour la décrire et raconter les situations qu’elle vit. Ce personnage est fortement inspiré de ce qu’elle a vécu elle- même à son adolescence et cette authenticité se ressent dans chaque scène. Avec une délicatesse infinie y compris dans les moments les plus rudes. Ce film marque un moment décisif dans tout ce que j’ai pu jouer. Je n’ai rien perdu du plaisir que la petite fille de 5 ans que j’étais a pu éprouver lors de son premier jour de tournage. Mais Geneviève a su me pousser et m’emmener loin. J’ai l’impression d’avoir tellement grandi avec elle.  

Quels sont les actrices ou les acteurs qui vous inspirent le plus ?

Spontanément, je citerai Marion Cotillard, Timothée Chalamet et Natalie Portman. La découverte de sa prestation dans Léon reste pour moi un souvenir inoubliable.