Guide du 17 avril 2019
Le Pacte / Eurozoom / Pathé

Ce qu’il faut voir cette semaine.

L’ÉVENEMENT

EL REINO ★★★★☆
De Rodrigo Sorogoyen

L’essentiel
Un thriller efficace et imparable en forme de survival, qui dépeint sans détour la politique espagnole.

Grand gagnant des derniers Goya (les César espagnols) avec sept trophées, El Reino de Rodrigo Sorogoyen dresse un portrait sans concession du monde politique espagnol, corrompu jusqu’à l’os. Nul doute qu’en découvrant les péripéties du protagoniste englué dans une affaire de détournement d’argent, certains élus ont dû se sentir mal dans leur fauteuil de cinéma (si tant est qu’ils mettent les pieds dans une salle obscure).
Thomas Baurez

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PREMIÈRE A ADORÉ

LIZ ET L’OISEAU BLEU ★★★★☆
De Naoko Yamada

Les préjugés ont la vie dure. Si l’on vous dit que Liz et l’oiseau bleu est l’adaptation d’une série animée nommée Sound ! Euphonium, qui raconte la vie des membres d’un orchestre lycéen se préparant à un grand concours de musique classique, on s’attend à voir une fable pleine d’action, où de jeunes musiciens travaillent comme des fous pour remporter le concours sur le fil après une finale hyper tendue... Heureusement, les auteurs de Liz et l’oiseau bleu ont beaucoup plus d’imagination, de sensibilité et de talent que nous.
Sylvestre Picard

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PREMIÈRE A AIMÉ

L’ÉPOQUE ★★★☆☆
De Matthieu Barrère

Avec son premier long métrage documentaire, Matthieu Bareyre propose une incursion dans une époque – la nôtre – qu’on croit à tort connaître par cœur à force de la voir scrutée et analysée en boucle dans le fil continu des chaînes d’info. Trois années de tournage nocturne, de 2015 à 2017, du lendemain de l’attentat de Charlie Hebdo à l’élection présidentielle. Trois années passées à filmer la jeunesse parisienne, à échanger avec elle, mais en sachant se faire discret pour lui laisser toute la place. Bareyre ne s’improvise pas plus sociologue qu’il ne s’évertue à faire de « belles images » pour raconter au premier degré la fougue souvent violente de ceux qu’il filme. Il fait tout simplement... du cinéma, à travers une mosaïque de mots et d’images aussi passionnante sur le fond que dans sa forme. Un tour de force.
Thierry Chèze

MENOCCHIO
★★★☆☆
De Alberto Fasulo

Parmi toutes ses vertus, le film de l’Italien Alberto Fasulo sur la figure d’un hérétique du XVIe siècle redonne au cinéma sa force picturale primitive. Tel le Dreyer de La Passion de Jeanne d’Arc faisant des visages un monde en soi, Menocchio tente de sonder les mystères de la foi – donc de l’âme – en regardant l’homme au fond des yeux. Nous voici face à un meunier lettré du Frioul, qui affirme que l’enrichissement de l’Église est un détournement de la parole de Dieu. Et puisque le Seigneur est présent en toutes choses, mieux vaut échanger avec un arbre qu’un prélat corrompu. D’aucuns ont été brûlés pour moins que ça. Que faire, se renier ou mourir pour ses idées ? La question est universelle. Tourné avec des acteurs non professionnels, ce film tire toute sa force d’une sagesse exemplaire. C’est ce qu’on appelle faire corps avec son sujet.
Thomas Baurez

LE CERCLE DES PETITS PHILOSOPHES
★★★☆☆
De Cécile Denjean

Le philosophe Frédéric Lenoir part à la rencontre d’écoliers pour animer des ateliers durant lesquels il débat de questions existentielles et essentielles avec les enfants. Ça sert à quoi le maquillage ? Les cauchemars ? Pourquoi on meurt ? Pourquoi on existe ? « La mort, ça sert à mettre un terme à toutes nos souffrances » dit un petit garçon dont le recul et la lucidité sont globalement partagés par ses petits camarades, étonnants commentateurs de notre condition humaine. La réalisatrice -en immersion pendant un an- ne se contente pas de capter à la volée ces échanges, elle met joliment en scène certains des jeunes intervenants les plus charismatiques. On n’est pas près d’oublier ce moment où une petite fille, orpheline de son père, livre ses pensées les plus intimes et les plus bouleversantes à la caméra et explique comment la philosophie l’aide à avancer.
Christophe Narbonne

WORKING WOMAN
★★★☆☆
De Michal Aviad

C’est une histoire hélas banale : le harcèlement sexuel subi par la nouvelle recrue d’un patron d’une agence immobilière. Une histoire banale pour un film qui ne l’est pas. D’abord parce que sa réalisatrice décrit au scalpel le jeu initié par ce prédateur soufflant le chaud et le froid pour brouiller les pistes, et l’incapacité de sa victime à réagir, à la fois parce qu’elle se sent coupable et qu’elle a besoin de ce travail pour maintenir sa famille à flot. Ensuite, et surtout, parce qu’elle ne se borne pas à rester dans les clous d’un simple film-manifeste en se désintéressant de toute question formelle. Son parti pris d’éliminer tout champ-contrechamp au profit de plans séquences crée une tension étouffante où fond et forme se rejoignent pour mieux dépeindre ces zones grises dans lesquelles les harceleurs poussent leurs victimes à évoluer pour mieux les y voir se noyer.
Thierry Chèze

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PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ

RAOUL TABURIN ★★☆☆☆
De Pierre Godeau

Dans cette adaptation du roman graphique de Sempé, Benoît Poelvoorde incarne un réparateur de vélos porteur d’un lourd secret : son incapacité à tenir sur une selle. Quand un ami photographe (Édouard Baer) lui demande de prendre la pose en situation (c’est-à-dire prêt à avaler le bitume, guidon en mains), Raoul Taburin se retrouve au pied du mur.
Christophe Narbonne

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ALPHA : THE RIGHT TO KILL ★★☆☆☆
De Brillante Mendoza

Brillante Mendoza nous a habitués à son style documentaire rugueux au service de polars empreints de réalisme social. Récemment, ces derniers semblent particulièrement inspirés par la sanglante lutte contre la drogue livrée par les autorités philippines. En 2016, Ma’ Rosa – qui a valu à Jaclyn Jose un prix d’interprétation à Cannes – montrait une mère de famille forcée de trafiquer de la méth pour survivre. L’an dernier, sa série Amo racontait la descente aux enfers d’un ado. Beaucoup y ont vu un écho à la politique du président Rodrigo Duterte qui prône une lutte sans merci contre la drogue, quitte à justifier le meurtre de dealers et de consommateurs. Alpha, the Right to Kill surfe sur la même thématique et tente de remettre les pendules à l’heure : non, Mendoza ne soutient pas les interventions musclées des forces de l’ordre. On y suit un policier participant à un vaste coup de filet contre un baron de la drogue et son indic, petit dealer qui tente de survivre dans un bidonville de Manille. Le style est là, vif, nerveux. La caméra (à l’épaule) de Mendoza se faufile dans les ruelles, monte sur les toits, descend dans les recoins cachés. Aucun doute, ce cinéaste sait comme personne nous embarquer avec lui. Dommage qu’il n’ait pas apporté le même soin à l’écriture de son récit. En dressant un parallèle entre le policier corrompu et le jeune délinquant, Mendoza se fait moraliste : « Voyez les dégâts du trafic sur deux pères de famille de bonne volonté. » Et on finit par gentiment s’ennuyer, sentiment auquel ce cinéaste clivant ne nous avait pas habitués...
Sophie Benamon

PREMIÈRE CAMPAGNE
★★☆☆☆
De Audrey Gordon

Au service politique de France 2 en 2016, Astrid Mezmorian se voit confier une mission que ses nouveaux collègues n’ont pas le temps de couvrir : les premiers pas dans la course à l’Élysée d’un ministre de l’Économie fraîchement démissionnaire, un certain Emmanuel Macron. Ce documentaire relate les coulisses de la campagne pour la présidentielle 2017 par le prisme de ce baptême du feu. Mais Première Campagne reste trop à la surface de son sujet pour convaincre. Il ne raconte rien de plus qu’on ait déjà lu ou vu sur le off des campagnes, tant du côté politique que journalistique. On ne voit jamais réellement l’usage fait ici du temps long offert par le cinéma. Une diffusion télé dans la foulée de l’élection aurait semblé plus appropriée à son contenu qui se regarde néanmoins sans déplaisir, comme un reportage de Quotidien en version longue.
Thierry Chèze

 

PREMIÈRE N’A PAS AIMÉ

MONSIEUR LINK ★☆☆☆☆
De Chris Butler

Après l’éblouissement Kubo et l’armure magique, on attendait avec impatience le nouveau joyau des studios d’animation Laika. On doit aussi à ces spécialistes de la stop-motion Coraline (2009), L'Étrange Pouvoir de Norman (2012) et Les Boxtrolls (2014). Hélas, ce Monsieur Link n’est pas à la hauteur de ces prédécesseurs. L’aventure tourne autour de Lionel Frost, un aventurier en manque de reconnaissance qui rêve d’être reconnu la société des explorateurs. Alors qu’il traque le chaînon manquant, il va tomber sur une mystérieuse créature douée de paroles qui cherche à retrouver les siens dans l’Himalaya. Le voyage se transforme alors en tour du monde semé d’embûches car un envoyé de la société des explorateurs fait tout pour l’empêcher de réussir. C’est du Jules Verne modernisé, sans le souffle ni l'invention.
Sophie Benamon 

SEULE À MON MARIAGE ★☆☆☆☆
De Marta Bergman

Présenté dans la section de l’ACID lors de Cannes 2018, ce premier long métrage de fiction d’une documentariste de formation aligne tous les poncifs du film social sur la misère économique et sexuelle du monde occidental. Une jeune roumaine, fuyant son pays, sa mère toxique et sa maternité encombrante, y fait la rencontre sur internet d’un Belge célibataire -et évidemment malheureux. Et Marta Bergman d’enchaîner les rebondissements attendus au cours d’un récit incroyablement long, qui nous fait voir avec force démonstration le monde dans toute sa laideur et sa médiocrité. C’est en définitive le spectateur qui fuit.
Christophe Narbonne

Et aussi
Just a gigolo d’Olivier Baroux
After - Chapitre 1 de Jenny Cage
Fanon hier, aujourd’hui de Hassane Mezine
La camarista de Lila Avilés
La malédiction de la dame blanche de Michael Chaves
La princesse des glaces, le monde des miroirs magiques d’Aleksey Tsitsilin
 

Reprises
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Rétrospective Akira Kurosawa/Toshiro Mifune