Un éléphant ça trompe énormément
Gaumont

L’acteur fétiche d’Yves Robert se souvient de Jean-Loup Dabadie, qui lui a écrit quatre rôles.

Auteur, enseignant et journaliste, Christophe Bourseiller a eu mille vies. Il fut notamment activement acteur pendant vingt ans. De sa carrière de saltimbanque, on retient notamment Un éléphant ça trompe énormément et Nous irons tous au paradis d’Yves Robert : son interprétation de Lucien, l’étudiant stoïquement amoureux de la femme de Jean Rochefort, reste dans toutes les mémoires. Un rôle coécrit par Robert et Jean-Loup Dabadie. Il se souvient pour nous de ce dernier.

Dans quelles circonstances avez-vous rencontré Jean-Loup Dabadie ?
Je suis un enfant de la balle. Petit, j’avais comme “parrain” et “marraine” officieux, Jean-Luc Godard d’un côté, Danièle Delorme de l’autre, qui était l’épouse d’Yves Robert. C’est dans la propriété d’Yves et de Danièle, le Moulin de la Guéville, située près de Rambouillet, que j’ai connu Jean-Loup, à la fin des années 60. Les circonstances de ma rencontre avec lui sont donc avant tout familiales et amicales.

Comment l’enfant que vous étiez le percevait-il ?
C’était un type extrêmement élégant et courtois. Il s’intéressait à tout le monde -je me souviens qu’il me manifestait de l’intérêt. Sa culture était immense, il avait toujours un mot sur un auteur inconnu des profanes... Pour moi, il formait un triangle avec Yves et Bertrand Poirot-Delpech. Ces trois-là partageait le même humour et les mêmes goûts.

Mort de Jean-Loup Dabadie

En 1976, vous jouez dans Un éléphant ça trompe énormément qu’il a coécrit avec Yves Robert.
À l’époque, j’étais un jeune gauchiste un peu sentencieux. En m’observant, Yves et Jean-Loup ont eu l’idée de m’écrire un rôle sur mesure sans me le dire. Lucien, c’était moi ! Par des indiscrétions, j’ai appris ce qu’ils tramaient et me suis rendu dans les bureaux parisiens d’Yves, rue Marignan. J’ai été impressionné par la méticulosité avec laquelle ils travaillaient, on aurait dit des profilers qui affichaient leurs réflexions sur les personnages sur un grand tableau punaisé de partout... Yves et Jean-Loup incarnaient sur ce point un peu l’envers de la Nouvelle Vague que j’avais bien connue avec Godard. Un dialogue de Jean-Loup, il fallait le dire à la virgule près ! Pas question d’improviser. C’était l’homme de la formule choc.

Dabadie venait-il souvent sur le tournage ?
Jamais. Il devait considérer que sa tâche était terminée. Je crois qu’il aurait aimé réaliser mais qu’il n’a pas osé franchir le pas. Lorsque j’ai tourné Clara et les chics types en 1980, il était question que Jean-Loup, qui l’avait écrit, le réalisât. Il a finalement décliné pour des raisons qui lui appartiennent et la Gaumont a confié le film à un très bon technicien issu de la pub, Jacques Monnet.

Vous avez à l’arrivée joué dans quatre films écrits par Dabadie : le dyptique d’Yves Robert, Courage fuyons et Clara et les chics types
Oui, et à chaque fois c’était un peu moi, le type avec cette présence un peu lunaire à laquelle Jean-Loup tenait manifestement. Dans Courage fuyons, mon personnage s’appelait carrément Christophe, il n’y avait plus aucune ambiguïté ! (rires)