Thierry Frémaux
ABACA PRESS

"Les films doivent être montrés sur grand écran", a expliqué le délégué général à Variety.

Le Festival de Cannes, qui devait initialement se tenir en mai et qui a été décalé en raison de l’épidémie de Covid-19, pourrait-il finalement se dérouler en ligne ? C’est une option évoquée par plusieurs commentateurs, et qui commence à faire son chemin dans la tête de certains organisateurs de festivals de cinéma – le Festival de Tribeca, qui devait se tenir ce mois-ci à New York, a par exemple annoncé que plusieurs de ses événements auraient lieu en ligne. Mais pour un festival comme Cannes, ça n’aurait aucun sens, selon le délégué général Thierry Frémaux. "Pour Cannes, son âme, son histoire, son efficacité, c’est un modèle qui ne fonctionnerait pas, a expliqué celui-ci à nos confrères de Variety. Qu’est-ce qu’un festival digital ? Une compétition digitale ? On devrait commencer par demander aux détenteurs des droits des films s’ils sont d’accord. Des films de Wes Anderson ou Paul Verhoeven sur un ordinateur ? Découvrir Top Gun 2 ou Soul (de Pixar) ailleurs que dans une salle de cinéma ? Ces films ont été décalés pour pouvoir être montrés sur grand écran. Pourquoi voudrions-nous les montrer avant, via un outil numérique ?"

"Les réalisateurs de films sont guidés par l’idée de montrer leur travail sur grand écran, poursuit Thierry Frémaux. Ils veulent partager leur travail dans des événements comme des festivals, pas que celui-ci finisse sur un iPhone. Si tous les festivals sont annulés, nous devrons réfléchir à une autre manière de montrer les films, pour éviter de perdre une année, mais je ne pense pas qu’une solution alternative improvisée à Cannes ou Venise – aussi vite organisée qu’oubliée – soit la solution."

La ligne défendue par Thierry Frémaux rejoint celle d’Alberto Barbera, président de la Mostra de Venise, qui a lui aussi expliqué il y a quelques jours que l’option digitale n’était pas envisagée en cas d'annulation par le festival italien, qui est censé se tenir début septembre. Et les propos du délégué général de Cannes ne sont bien sûr pas surprenants de la part du responsable d’un festival qui n’a eu de cesse de rappeler ces dernières années l’importance de la projection sur grand écran dans la définition du septième art, en particulier à l’occasion de son bras de fer avec Netflix – pour mémoire, les films de la plateforme de streaming sont privés de compétition cannoise.

Au passage, on retiendra aussi de cette interview que parmi les titres apparemment bien placés pour être retenus en sélection officielle figurent donc The French Dispatch, de Wes Anderson, et Benedetta, de Paul Verhoeven (ça, on s’en doutait) mais aussi le prochain Pixar, Soul, ou Top Gun : Maverick. On ignore quelle forme prendra la 73ème édition du Festival de Cannes, et à quelles dates exactement elle pourra se tenir, mais l’histoire du cinéma retiendra peut-être que 2020 était l’année où Tom Cruise aurait pu fouler le tapis rouge cannois…