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Le cinéaste et acteur Brian G. Hutton est mort d’une crise cardiaque à l’âge de 79 ans.Né à New York en 1935, il avait commencé sa carrière en tant que comédien sur des séries TV (Alfred Hitchcock PrésenteRawhide ou Perry Mason) avant de décrocher quelques seconds rôles dans des longs-métrages des années 50 (Règlement de comptes à OK Corral ou King Creole aux cotés d’Elvis). Mais c’est en tant que réalisateur qu’il devient célèbre. En 1965, il signe son premier film, Wild Seed. La fuite d’une jeune fille à la recherche de son père biologique, et qui lors de son errance tombe amoureuse d’un jeune laissé pour compte. Ceux qui ont vu ce premier film, road movie à travers l’Amérique des sixties, parlent de l'impeccable photo en noir et blanc signée Conrad Hall. Wild Seed reste surtout en mémoire parce qu‘il révéla Michael Parks (le shérif Earl McGraw de Tarantino) et qu'il fut produit par Pennebaker, la maison de production de Marlon Brando Sr qui lançait ici la carrière du célèbre Albert Ruddy (Le Parrain et Plein La Gueule).Suivra une comédie sexy adaptée de Shaffer (à qui l’on devra plus tard Amadeus), The Pad and how to use it, succès critique qui avait établi la réputation de Hutton. Mais ce sont ses retrouvailles avec le légendaire Elliot Kastner qui scellent son destin. Retrouvailles parce que Kastner et Hutton ont grandi dans le même quartier new yorkais et se sont croisés à l’école. Kastner lui propose d’abord de réaliser un thriller 60’s opposant David McCallum et Telly SavalasSol Madrid. Le film sera sabordé par la MGM (qui massacre la campagne marketing et enterre quasiment le film), mais Kastner, visiblement satisfait du résultat, propose au cinéaste un projet bien plus ambitieux : Quand les aigles attaquent, un film de guerre adapté de l’auteur à succès Allistair McLean avec Richard Burton en tête d’affiche. Kastner bataille pour imposer Hutton à la tête de cette superproduction MGM et c’est finalement ses lointaines origines qui lui permettront de décrocher le job. "Burton a accepté parce que j’avais des ancêtres gallois et parce qu’il vient lui-même du pays de Galles", racontait Hutton. "C’est ça qui l’a convaincu : on parlait gallois - même si mon gallois est horrible, on chantait des chansons de là-bas". Contrairement à ce que ce récit suggère, le tournage fut très compliqué : entre l’extraordiniare logistique, l’alcoolisme de Burton et l’arrivée de Eastwood sur le tournage (ramené par Hutton), Quand les aigles attaquent eut une genèse mouvementée. Mais le film est une réussite. On suit le parcours d’un commando chargé de délivrer un américain détenu par les nazis. 7 hommes, une femme (et un traître, mais qui ?) doivent investir une forteresse allemande sous la neige. A l’arrivée, un des plus grands films de guerre des 60’s. Hutton, nullement paralysé par les gros moyens, sa relative inexpérience du genre et des studios et le tournage difficile dans les Alpes, Hutton donc gère les rebondissements de l'histoire et impose son style spectaculaire et sec. On se souvient encore des cascades orchestrées par le génial Yakima Canutt (et qui feront dire à East­wood : "Le film aurait dû s'appeler Where doubles dare", c'est-à-dire "Où les doublures osent"), de la scène du téléphérique ou de cette séquence quasi muette lorsque les héros montent le pic en silence… En un film, Hutton devient le compagnon ou l'héritier de Sturges ou Siegel, des cinéastes capables de réaliser des films extrêmement cool et de réinsuffler un peu d'énergie à des genres tombés en désuétude.  Il faut voir ce making of surtout pour Clint assurant que "c'est différent des films avec des ponchos" : Le film est un succès, mais surtout pour Clint Eastwood qui y gagne ses galons de stars aux yeux des studios. C’est d'ailleurs lui qui imposera Hutton sur De l’or pour les braves, son film suivant. Encore un film de guerre et encore une réussite. Farce anti-militariste portée par Eastwood qui trouve ici son premier vrai rôle principal et impose définitivement son personnage mutique et marmoréen, le film est une aventure picaresque et amorale qui cite Leone à profusion. Hutton expliquait : "C’est Clint qui m’a ramené sur le projet. Le studio voulait faire un film avec Eastwood et comme je l’avais amené sur Quand Les Aigles attaquent, il m’a rendu la pareille. Le tournage fut un délice". Le tournage sans doute : Hutton s’entoure des collaborateurs ayant travaillé sur Quand les aigles attaquent (Alf Joint, Dennis Fraser, H.A.R. Thomson, Jonathan Bates et John Jympson) et engage un jeune assistant réal du nom de John Landis. Mais la post-prod fut un cauchemar. Eastwood et Hutton durent se battre contre le producteur MGM James Aubrey qui voulait couper le film et enlever de nombreuses scènes essentielles. Malgré ces coupes, le film est encore un succès. Au moment où Arthur Penn, Robert Altman et Sydney Pollack ruent dans les brancards du con­formisme hollywoodien, Hutton égratigne en mode mineur le système et les conventions bien établies du genre. Les acteurs sont époustouflants - mention spéciale pour Sutherland en conducteur de char déjanté et la mise en scène une nouvelle fois fait preuve d'inventivité.  Difficile après ça de s’en remettre. Hutton signe deux films avec Liz Taylor (Une belle tigresse et Terreur dans la nuit) puis il réunit Frank Sinatra (pour son dernier rôle à l’écran) et Faye Dunaway dans De plein fouet. Ce dernier devait être réalisé par Roman Polanski avant que le cinéaste ne soit rattrapé par ses problèmes judiciaires. Hutton le remplace au pied levé pour un film qui laissera peu de souvenirs... Il signe son dernier long-métrage en 1983, Les Aventuriers du bout du monde avec Tom Selleck. Hutton était parfaitement lucide sur ses derniers films : "Je ne voulais pas particulièrement être réalisateur. Ce n’était pas ma vie. Je suis tombé dedans, un peu comme quand une merde d’oiseau tombe du ciel sur ta main. En 72, quand je faisais mon deuxième film avec Liz Taylor, en plein milieu du tournage, je me suis dit : "mais pourquoi je perds mon temps à faire ce truc ?" Un gorille aurait pu faire ce boulot. Elisabeth Taylor faisait ce qu’elle devait faire. Laurence Harvey faisait ce qu’il devait faire. C’était sympa et tout ce que je devais faire c’était crier "Action" ou "Coupez" parce que tout le monde faisait bien son boulot. C’était une pièce de théâtre et j’avais l’impression d’être un putain de gorille qui ne servait à rien. J’ai tout laissé tombé".Il y a quelques années, il avouait "Quand je regarde Quand les aigles attaquent, je me dis “mais qui a fait ça ?” C’est tellement loin que je ne me souviens plus de rien. Après on m’a proposé une cinquantaine de films d’action, mais deux ont suffi."Deux qui auront en tout cas suffi à écrire son nom dans les dicos du cool hollywoodien et lui auront même valu un remake signé David O'Russell : Les Rois du désert.