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Cette grande artiste de music-hall revient au théâtre avec la pièce de Jean-Marie Chevret, Laissez-moi sortir. Il semble évident, que le public va lui demander de rester !Propos recueillis par M.-Céline NivièreNous avons rendez-vous à l’hôtel Scribe à l’Opéra. Elle arrive toute pimpante, sourire aux lèvres, le regard pétillant. Un bout de sa Belgique natale est accroché à son phrasé qui a gardé une légère pointe d’accent. Elle a une démarche aérienne. Sa formation de danseuse n’y est pas pour rien. « La danse, c’est très important. Cela apprend à savoir marcher, se tenir, garder une élégance. Voyez-vous, faire la comique les pieds en dedans, sans être élégante, c’est quelque chose que je ne peux pas faire… »C’est toute petite fille qu’elle s’exerce avec passion à cet art. « J’ai tout étudié, le classique, le moderne, les claquettes, le french cancan… » De la danse à la chanson, il n’y avait qu’un pas de deux à faire. « Le jeudi, on allait faire des galas et, un jour, mon professeur m’a demandé de chanter. J’avais 10 ans. Je me rappelle, c’était un air de Rina Ketty. » Et la voilà qui, entre deux éclats de rire, me fredonne « Sombreros et mantilles ». La petite fille rêvait donc de scène et de lumières. « Mais pas du tout… Je n’ai jamais pensé à faire ce métier. Ça m’amusait beaucoup, mais je n’avais aucune idée de ce que je ferais plus tard. »Pourtant, on n’échappe pas à son destin. « A la suite d’un radio crochet, j’ai eu un engagement dans une revue, à l’Ancienne Belgique. J’y ai tout fait et tout joué… C’était dur mais quelle école ! » Et le métier ne la lâche plus. « Après j’ai mené la revue au Bœuf sur le Toit de Bruxelles. Un monsieur vient me voir après le spectacle : « J’ai écrit une opérette, voulez-vous venir à Paris ? » J’ai répondu : « Non, je suis bien ici avec papa et maman ! » C’était Francis Lopez. Jean Omer, le patron, m’a grondée. Quelques mois, après, Miss Blue Bell nous apprend que les Clérico cherchaient une meneuse pour le Lido. Jean Omer a pris les choses en mains. Son désir était qu’une petite Belge arrive à faire quelque chose à Paris. C’était sa fierté. »Et il a été exaucé. « Je ne suis pas carriériste pour un sou. Ma passion, c’est de répéter, trouver des choses, décortiquer les textes pour pouvoir donner le maximum au public. » C’est ainsi qu’elle a enchaîné les opérettes et les tours de chant sur les routes de France, de Navarre et d’ailleurs. « J’aime aller à la rencontre des gens, chez eux, en province. On est des saltimbanques… »Elle a donné ses lettres de noblesse à l’emploi de fantaisiste. « Je suis fière d’être une rigolote, mais cela demande de la rigueur, du travail. Ce n’est pas si facile le métier de faire rire. Pour « La route fleurie », je formais avec Bourvil le couple de fantaisistes. On a rodé le spectacle à Lyon. Une représentation en valait quatre. Les gens riaient tellement que l’on devait rejouer chaque phrase, rechanter chaque chanson. »Si elle a eu de très beaux rôles au cinéma, pourquoi si peu de théâtre ? « J’ai eu des propositions, mais il m’était difficile de les accepter à cause de mon emploi du temps. Je me rappelle que pour « Si Versailles m’était conté », Guitry m’avait fait venir. Je lui explique que je ne suis pas comédienne. Il me répond : « Mademoiselle on n’est pas comédienne, on naît comédienne. » Et il me conseille d’aller voir dans le répertoire de Réjane. C’était prémonitoire car ma première pièce fut « Madame Sans-Gêne » qu’elle avait créée. »Et arrive la pièce de l’auteur des « Amazones », Jean-Marie Chevret. « Quel amour ! Et puis j’ai deux metteurs en scène extra, Jean-Pierre Dravel et Olivier Macé. C’est mon ami Christian Morin qui m’a parlé de Jean-Marie et de sa pièce qui m’irait comme un gant. Ce n’est pas mon histoire, mais celle de Joce de Guérande. Ça, c’est un nom ! Elle a 50 ans de carrière et de moins en moins de contrats. Toutefois, elle est parvenue à ce que son jubilé soit célébré à la télévision. Entre l’énervement, sa sœur au téléphone, son chat Othello, elle va se retrouver enfermée sur son balcon. Son jubilé, c’est là qu’elle va le fêter, en déroulant le fil de sa vie. Il y a des choses drôles, tendre, dures… C’est l’histoire d’une femme et d’une époque. »Toute la saison passée, Annie a tourné la pièce en province. « Quatre-vingts représentations, cela fait que l’on est plus à l’aise, mais j’ai toujours le trac. Comme je suis seule en scène, enfermée sur ce balcon, je n’ai pas le droit de manquer mon texte. En tout cas l’accueil en province a été formidable, on espère qu’il en sera de même à Paris. » Nous apercevons Roland Petit et Zizi Jeanmaire. L’entretien étant terminé, Annie Cordy va les saluer. J’ai devant moi, trois monuments !Laissez-moi sortir au Théâtre Daunou