Paramount Pictures

Portrait d'une actrice révélée par Alexander Payne.

Downsizing d’Alexander Payne réserve son lot de surprises en mettant au jour un monde miniaturisé. Mais la plus grande sensation est certainement l’arrivée d’une dissidente rapetissée de force qui va clandestinement arriver aux Etats-Unis dans le carton d’une télé. Quel symbole ! Après l’avoir découverte dans ce rôle, vous n’oublierez plus Hong Chau. Son phrasé syncopé, son franc-parler, sa démarche claudiquante et son fin minois vous émeuvent et vous hérissent en même temps. La comédienne réussit le tour de force de rendre un personnage stéréotypé complètement iconoclaste.

Le parcours de cette actrice est en soi étonnant. Née en Thaïlande, en 1979, de réfugiés vietnamiens, Hong Chau a été élevée en Louisiane, à la Nouvelle Orléans, un melting pot de cultures et d’origines dont elle a accroché l’accent traînant. "Oui, il y avait des tensions raciales, confiait-elle en septembre au Hollywood Reporter, mais autour de la nourriture et de la musique, nous arrivions à les surpasser et à rassembler les gens". C’est à l’autre bout du pays, à l’Université de Boston, qu’elle décide d’entamer des études pour devenir écrivain. Elle bifurque vers le cinéma, avec pour objectif de rester derrière la caméra, sur les conseils de ses parents, soucieux qu’elle choisisse un métier plus concret. Le métier de comédienne l’a prise de court. C’est en entendant les compliments de ses camarades qu’elle dépannait en apparaissant dans leur film d’étudiant, qu’elle s’est prise au jeu.

Downsizing : petit mais costaud

Après la fac, en 2006, elle écrit une série, "Finding my America" qui parodie une émission de téléréalité, où elle traverse les Etats-Unis avec une autre jeune fille à la recherche d’Américains d’origine asiatique. Son destin, pense-t-elle alors est d’écrire des documentaires. Les rares rôles très stéréotypés (masseuse, cuisinière dans un restau chinois…) qu’on lui offre ne l’encouragent pas à considérer qu’il existe un avenir dans le cinéma américain pour les acteurs d’origine asiatique. C’est alors qu’elle se voit offrir un rôle récurrent dans Treme, une série HBO qui se déroule à… la Nouvelle Orléans. Retour aux origines. Les directeurs de casting la repèrent et proposent son nom à Paul Thomas Anderson pour Inherent Vice. Là encore, Hong Chau ne veut pas y croire et quand on lui demande son métier, elle répond : "promeneuse de chiens".

Le tournant a lieu en 2015. Hong Chau a 36 ans. Elle en est arrivée à un point où elle se dit que le cinéma est encore très fermé aux visages comme le sien. Elle s’est fait une raison. On lui propose un des quatre rôles principaux dans un huis-clos dramatique dans une petite salle de 100 places à New York. 3h30 sur scène. La pièce (John d’Annie Baker) est encensée par la critique. Bientôt la petite scène Off Broadway affiche complet. Son nom arrive aux oreilles d’Alexandre Payne. Ses essais finissent de convaincre l’équipe. "C’est une voleuse de scène" dit d’elle son réalisateur.

L'année dernière on la découvre dans un second rôle dans la série Little Big Lies. Mais c'est bien avec sa performance dans Downsizing que son nom est aujourd’hui sur toutes les lèvres.