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Sidney Lumet, réalisateur de Un après-midi de chien, de Serpico ou de Douze Hommes en colère s'est éteint aujourd'hui à son domicile new-yorkais à l'âge de 86 ans. Le cinéaste américain Sidney Lumet, réalisateur de Douze Hommes en colère et d'Un après-midi de chien, est mort samedi à son domicile de New York à l'âge de 86 ans des suites d'un cancer, a annoncé le New York Times. Selon la belle-fille du réalisateur, Leslie Gimbel, Sidney Lumet souffrait d'un cancer lymphatique. Un peu sous-estimé en France, Lumet était un cinéaste des plus passionnants, mais aussi l'un des plus indépendants. Et si on devait se mettre en quête d'un chef-d'oeuvre pouvant résumer sa carrière, on serait bien embarrassé. Non pas parce qu'il n'y en a pas, mais parce qu'il y en a presque trop, et de genres très différents. Né le 25 juin 1924 à Philadelphie, en Pennsylvanie, Sidney Lumet a commencé sa carrière au théâtre en fondant, en 1947, un atelier qui lui a permis de monter des spectacles d'avant-garde. Mais c'est par la télévision qu'il s'est fait connaître en réalisant les séries Danger et You are There ainsi que 200 dramatiques pour CBS. En 57, Sidney Lumet commence sa carrière au cinéma. Avec l'aide de Henry Fonda, il adapte un scénario télé de Reginald Rose et (ré)invente le courtroom drama. Ce sera Douze Hommes en colère, un chef-d'oeuvre conceptuel où les rapports de la morale et de la loi sont mis en scène dans l'espace confiné d'une salle de délibération. Tout Lumet est là, condensé en 96 minutes (dont seulement 3 se passent hors de la salle). S'il a touché à tous les genres, s'il a cotoyé des acteurs très différents (Marlon Brando, Al Pacino, Henry Fonda et Vin Diesel - cherchez l'intrus), le rapport de la justice et de la loi, de la liberté et du pouvoir, son humanisme forcené et son génie de la direction des comédiens seront au coeur de sa filmographie protéiforme constellée de chef-d'oeuvres et empreinte d'un engagement sans faille. On doit forcément citer Serpico dans lequel Al Pacino joue un flic martyr qui se bat contre la corruption de ses collègues; ou Un après-midi de chien ou le même Pacino incarne un braqueur de banques blessé par la vie; Le Prince de New York chef d'oeuvre noir avec un Treat Williams dans son meilleur rôle... Tous sont des films policiers qui dépeignent les symptômes du désordre urbain new-yorkais et traquent la corruption policière avec des comédiens au sommet de leur art. Gérant parfaitement le tournant des années 80, Lumet allait encore signer quelques classiques comme l'extraordinaire Verdict (avec Paul Newman), Contre-Enquête et, surtout, son vrai succès populaire, la comédie Family Business démêlés cocasses d'un sympathique escroc, de son fils honnête et de son petit-fils attiré à son tour vers l'illégalité. Pourtant, tout cela ne devrait pas faire oublier quelques chef-d'oeuvres méconnus. Notamment deux films qu'il tourna en Angleterre avec Sean Connery. Avec La Colline des hommes perdus, Lumet signait un film âpre et passionné qui contait le cauchemar de prisonniers d'un camp disciplinaire situé en Afrique du Nord à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le noir et blanc somptueux de Oswald Morris et le casting absolument parfait dominé par un Sean Connery impérial, alors en pleine Bond-mania, en font une pépite à redécouvrir d'urgence. Tout comme The Offense, là encore porté par un Sean Connery étrange incarnant le rôle d'un flic obsédé par une affaire de viol. Film mental, qui voit Connery sombrer progressivement dans la folie, The Offense (qui évoque avec des années d'avance certains romans de Robin Cook) fut une oeuvre maudite qu'on n'a redécouvert que récemment en France. Contrairement à d'autres réalisateurs de son époque, Sidney Lumet n'avait jamais cessé de tourner. Son dernier film, 7h58 ce samedi-là, date de 2007 et mettait en scène Philipp Seymour Hoffman et Ethan Hawke dans un thriller ayant pour thème la trahison, les accommodements avec la morale, les liens du sang et la fratrie... Au cours de sa carrière, Sidney Lumet avait été nominé à cinq reprises aux Oscars dans la catégorie meilleur réalisateur, sans remporter la statuette. En 2005, un Oscar d'honneur lui avait été décerné pour l'ensemble de sa carrière. C'était bien le minimum que méritait ce cinéaste atypique auteur d'une filmographie intègre et impressionnante.