En attendant la cérémonie des César 2011 qui se tiendra le 25 février au théâtre du Châtelet, Premiere.fr revient sur l’histoire de cette Cérémonie avec des acteurs, actrices, réalisateurs, techniciens qui ont eu le Sésame. Ou pas. Aujourd'hui, rencontre avec Jean-Jacques Beineix, lauréat de 4 César pour Diva. Par François GreletJean-Jacques Beineix, dans votre autobiographie Les Chantiers De la Gloire, vous sous-entendez que le César du premier film a été crée sur mesure dans le seul et unique but de récompenser Diva...Jean-Jacques Beineix : Ah mais complètement..Ah mais complètement...Ah mais complètement …..Je n’avais pas le droit d’avoir autre chose.... C’est à dire...J.J.B. : George Cravenne, le papa des Césars, était aussi l’attachée de presse de Diva. Mais il haïssait le film. Cravenne a l’époque c’était un faiseur de roi. Aujourdhui plus personne ne sait qui c’est George Cravenne, mais à l’époque il valait mieux l’avoir avec que contre vous. Et, énorme surprise, l’année de Diva, il sort de son chapeau une nouvelle catégorie: Meilleur premier film. Dans quel but à votre avis? Un lot de récompense, pour que vous ne puissiez pas avoir le César du meilleur film... ?J.J.B. : Hummmm... Ça c’est pas impossible. Pas impossible du tout. Il y a une autre raison à cela : en récompensant Diva - et soyons honnêtes, il n’y avait pas de concurrents sérieux cette année là - il donnait du prestige à sa création. Offrir sur un plateau le César du premier film à Diva, ca donnait du cachet à la récompense, car c‘était un vrai film générationnel. Ca avait de la gueule. Alors Cravenne n’aimait pas le film, mais il a eu l'habilité de lui donner un prix, histoire de donner un coup de lustre à la cérémonie, à SA cérémonie Vous saviez donc que les dés étaient un peu pipés au moment de recevoir le prix. Vous vous en foutiez au fond d’avoir “meilleur réalisateur” ou “meilleur film”, non ? La réputation du film était déjà faite... J.J.B. : Je ne comprends pas votre question. Comment vous pensez que je puisse me foutre de ça ? Vous avez pas bien lu mon livre ou vous l’avez lu trop vite.. Non je m’en foutais pas. Évidemment que je m’en foutais pas... Ok désolé Jean-Jacques. Vous portez quel regard sur ses distinctions personnelles, alors ?J.J.B. : Ce qui compte c’est la trajectoire du film, qu’il sache trouver son public. Les distinctions personnelles à vrai dire, je m’en fous un peu... Ah bah vous voyez, j’avais bien lu le livre...J.J.B. : En fait si, ça compte un peu ce genre de distinctions personnelles; je vous ai dit n’importe quoi. Quand j’étais aux Oscars pour 37,2 Le Matin, où nous étions nommé pour “meilleur film étranger”, ça m’a fait un mal de chien de ne pas l’avoir. Pourtant je savais que je ne l’aurais pas. Un copain qui bossait à Hollywood m’avait même dit : “avec une scène de baise de 3 minutes en ouverture, tu l’auras jamais, impossible”. Bref je me pointe à L.A pour les Oscars, et là je tombe sur Anthony Quinn qui me dit : “Eh c’est moi qui annonce l’Oscar du meilleur film étranger, expliquez moi comment on doit prononcer votre nom”. Parce qu’il faut savoir que mon nom est imprononçable en anglais. Ils sont emmerdés avec les deux “i” et tout ça. Alors j’explique à Quinn: “BAI- Nexxe”. “Bai- nexxe”. Je le fais un peu répéter et paf il chope le truc. Le lendemain, lorsqu’il annonce les nominés et que vient mon tour, Quinn fait un truc du genre: ‘Betty Blue by Janne- Jack Wananaere” Du coup en plus d’être reparti sans rien, personne n’a compris mon nom, ahaha... Où en étions nous déja? A la valeur que vous accordez aux récompenses persos.J.J.B. : Ah oui. Bon bah du coup j’ai pas eu l’Oscar, et là j’ai compris que les récompenses c’était bien mais qu'il faut surtout les avoir. Sinon on passe un très mauvais moment. C’est usant. Aux Césars, à l’époque de 37, 2, on avait été nominé 10 fois ! Je me rends donc à la cérémonie assez confiant. La soirée commence : premier César de la soirée, meilleur affiche, bam! il est pour nous. Intérieurement je jubile, ça sent la razzia, je vais les gauler les un à la suite des autres. Et puis arrive la fin de la soirée et tout ce que vous avez eu: c’est le César de la meilleure affiche. C’est horrible. Putain mais pourquoi je m’infligerais ça à nouveau? Les nominations c‘est un concept horrible, ça transforme les gagnants en perdants.Vous votez en tant que professionnel de la profession ? J.J.B. : Oui. D’ailleurs, regarder le coffret des Cesars est, à chaque fois, un des grands moments de mon année... Vous avez un pied dans le système alors, du coup j’imagine qu’il ne doit pas vous dégouter tant que ça...J.J.B. : Non pas du tout. J’ai rien contre le fait de voter. Bon après faut avouer que les membres de l’académie font un peu n’importe quoi parfois. Pour les Césars techniques souvent c’est grotesque. C’est le film en costume de l’année qui prendra immanquablement celui meilleur costume. Celui de la photo, ils le donnent un peu au hasard, souvent un film qui a bien marché et qui aura rien d’autre. C’est assez amusant à voir de l’extérieur... On parle des grands films francais de l’année?J.J.B. : Allons-y. Venus Noire ? J.J.B. : Je ne peux pas le voir. C’est un sujet trop dur et je deviens trop sensible avec l'âge. J’ai peur d’avoir du mal à encaisser les coups. Mais je le verrai un jour ou un autre. Enter The Void ? J.J.B. : Noé il est vraiment balèze comme type. Un vrai sens de la démesure. Sinon cette année j’ai adoré Des Hommes Et Des Dieux. J’aime qu’on mette en scène des hommes de parole, comme c’est le cas ici. C’est mon côté romain, ca m’a touché. Il y a dans ce film plein de valeurs vieillottes, un peu à la Camus, qui me plaisent. C’est le film qui va tout rafler cette année, non?J.J.B. : Et bien ce sera tout sauf un scandale... Bon sinon j’ai adoré le film de Jeanne Labrune, Sans Queue Ni Tête. Et j’ai aussi aimé le Esposito, Mon Pote. Sans blague ? C’est un téléfilm ça, non?J.J.B. : Non c’est super, vraiment. Grands acteurs. Vous feriez mieux de le voir plutôt que de lui faire un procès d’intention, parfaitement injuste. Et vous, vous avez aimé quoi ? Le Noe et le Kechiche donc et puis le Boukhrief.J.J.B. : Ah Gardiens De l’Ordre, oui. C’est pas mal. Pas mal. A un moment je ne crois plus du tout à ce qu’il me raconte. Mais c’est bien filmé. Boukhrief de toutes façons je l’adorerai toujours. Il a été l’un des seuls à percevoir quelque chose d’intéressant dans La Lune Dans le Caniveau. Et rien que pour cela je le suis en serai toujours redevable. A lire: Les Chantiers de la Gloire (Ed Fayard)