Vous avez fait une liste de vos 10 films préférés parmi la collection Criterion et le premier est un film français, Une femme est une femme de Jean-Luc GodardLe cinéma de Godard est très important pour moi, je m’y identifie beaucoup. Il n’y a rien de comparable dans le cinéma américain. C’est un incroyable mélange de fantasque, de mélancolie et de légèreté. J’ai adoré Anna Karina dans Une femme est une femme. Elle est si naturelle, si belle, tellement différentes des actrices américaines de la même époque qui était trop glamour, trop précieuses, qui ne paraissaient pas vraies.Le naturel dans un film, c’est ce qui compte pour vous ?Je me pose juste la question. Je me demande ce que le glamour est vraiment, ce qu’il représente, pourquoi il nous attire, c’est comme un jeu qu’on ne peut pas gagner. On ne peut jamais être assez belle ou assez riche, et surtout c’est un piège. Que devient-on quand tout nous est retiré, que reste-t-il ? Il y a d’autres choses, plus importantes je pense.C’est pour ça que vous avez un penchant pour les films indépendants ?Oui, surtout par le passé, je trouvais que les films à gros budget ne s’intéressaient pas vraiment aux mêmes choses que moi. En fait, je m’interroge souvent sur l’utilité du cinéma et ce qu’on peut en retirer. J’ai envie d’élever mon esprit, être toute maquillée et apprêtée, ce n’est pas vraiment ce que j’ai envie de renvoyer comme image.Faire du cinéma vous aide à répondre à vos questionnements ?Oui, jouer dans un film est déjà une étape, mais le mieux est de pouvoir parler du film après avec d’autres personnes, à travers le monde. Ca va faire un an que je parle de States of Grace et grâce à ces rencontres, j’ai vu 1001 façons de l’envisager et de l’apprécier. J’ai pu aussi réaliser à quel point le cinéma est un langage universel. Pas besoin d’être anglophone, ni même de comprendre les dialogues de ce film, on peut juste le ressentir et en retirer quelque chose. Le cinéma est une bonne manière de connecter les gens entre eux.Comment vous êtes vous retrouvée sur ce film ?On m’a envoyé le scénario, je l’ai lu et j’ai voulu rencontrer immédiatement celui qui l’avait écrit (Destin Cretton). On s’est skypé et on s’est vite aperçus qu’on faisait des films pour les mêmes raisons, donc ça a fait tilt. L’histoire est basée sur sa propre expérience, après je ne sais pas exactement à quel point le film est autobiographique.States of Grace paraît très juste, presque documentaire…Pourtant tout était écrit ! Tout était dans le script ! Mais je pense que le film fait aussi vrai car personne n’était trop concerné par l’image qu’il pouvait renvoyer à l’écran, il n’y avait vraiment pas d’égo. On s’était d’ailleurs tous rencontrés une première fois avant le tournage dans la maison d’un des producteurs. On a mangé, ri, joué à des jeux pour apprendre à se connaître, et ça a marché.Ici le personnage central est une femme. Vous pensez, comme Cate Blanchett aux Oscars, qu’on manque de rôles féminins leaders ?Bien sûr ! Nous arrivons à un point maintenant où les femmes se réveillent, nous avons plus d’opportunités et il faut agir. On n’imagine pas toujours à quel point l’imagerie véhiculée par la pub, dans les films, la télé, la musique ou la littérature nous influence. Il faut changer le point de vue. J’ai grandi avec des films où l’homme est le héros voire le super-héros et la femme, la demoiselle en détresse. Petite, à l’école, je me cantonnais toujours à ce rôle lorsque l’on jouait dans la cour et j’attendais qu’on me sauve. Et en y repensant maintenant, je me dis « Mais pourquoi je n’avais jamais imaginé que je pouvais être le chevalier ? ». C’est vraiment important que les femmes le comprennent. Il faut que les choses changent et je veux participer à cette évolution, à faire reconnaître que nous sommes égaux.Il y a pas mal de films Young Adult comme Hunger Games ou Divergente qui justement prônent des rôles féminins forts. Vous accepteriez d’en faire un si on vous le proposait ?Bien sûr, si l’histoire est bonne et qu’elle envoie le bon message. Derrière leur côté très divertissant, les films comme Hunger Games et Divergente véhiculent des messages forts. Il n’y a pas de raison que je refuse si on me propose ça un jour.On a quand même déjà vu des femmes émancipées au cinéma ou à la télé. Par exemple, vous avez 24 ans, vous n’avez pas pu passer à côté de BuffyMais oui, carrément, Buffy ! C’était vraiment le début. Je ne sais pas si on se rendait compte à l’époque, mais si on le revoyait aujourd’hui, je suis sûre qu’on serait complètement hallucinés de voir à quel point c’est puissant et métaphorique.Vous-même avez joué dans diverses séries télé comme United states of Tara ou CommunityC’est vraiment différent du cinéma, notamment en termes d’engagement. J’aime mélanger les genres, ne pas trop m’accrocher et changer régulièrement, et j’aime la peur et le challenge qu’apporte l’inconnu. J’ai terminé States of Grace un vendredi, et je tournais mon premier épisode de Community le lundi suivant. Ça m’a permis de ne pas tourner en rond et d’enchaîner tout de suite avec autre chose.Vous êtes au cinéma, à la télé et vous avez enregistré un album. Comment on gère tout ça à 24 ans ?(rires) J’ai commencé jeune et j’ai toujours vécu à travers l’art. C’est mon moteur, c’est ce que j’aime, ce que je suis, je ne pourrais sans doute pas faire autrement. Depuis que je suis toute petite, ça a toujours été le seul moyen pour moi de gérer les choses. Là je prépare un nouvel album d’ailleurs, il sera plus euh… dansant, groovy je pense.On vous compare régulièrement à Jennifer Lawrence, comment vous le prenez ?Ça n’a aucun sens pour moi. Je ne vois pas pourquoi les gens ressentent toujours le besoin de comparer. Mais je vais le prendre comme un compliment.Interview Perrine QuennessonStates of Grace de Destin Cretton, avec Brie Larson, John Gallagher Jr., Kaitlyn Dever, aujourd'hui dans les salles