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La première comédie réalisée par Jon Lucas et Scott Moore est un concentré de culture (jeune) américaine : dans 21 and Over, une bande d'amis emmène l'un d'entre eux (d'origine chinoise) fêter son 21e anniversaire - âge à partir duquel les Américains ont le droit de boire - à grands coups de bière, de black out et d'étudiantes délurées. En découvrant le premier film réalisé par les scénaristes de Very Bad Trip, le public américain y verra une célébration de sa jeunesse et de l'expérience universitaire libératrice. En Chine, les spectateurs verront en revanche une critique de l'hédonisme occidental et un discours sur l'importance de ses racines.Il existe en effet deux versions, presque antithétiques, de 21 and Over. Pour s'assurer le marché chinois, Relativity Media a carrément pris l'initiative de tourner des scènes uniquement destinées à la Chine, qui modifient le début et la fin de l'histoire et en changent profondément l'esprit. Une fois le tournage à l'université de Washington terminée, l'équipe est partie filmer quelques scènes supplémentaires dans l'Empire du Milieu où l'on verra le héros partir pour l'Amérique, puis retourner chez lui après ses aventures débauchées qui lui auront appris l'inanité de l'esprit occidental et l'importance de ses racines. Le reste du monde verra en revanche une histoire de beuverie entre potes qui tentent de se libérer de la tyrannie des attentes de leurs parents.Sino-compatibleCe compromis résulte bien sûr d'une histoire de gros sous. Dans le cadre d'un deal plus large conclu avec des investisseurs chinois, le patron du studio a obtenu pour son film des financements d'une société de distribution locale détenue par l'Etat. Plutôt que d'affronter une inexorable censure, il a pris les devants et fait tourner une version sino-compatible de sa comédie. C'est que la Chine concentre 1/5e de la population mondiale et qu'Hollywood a besoin de nouveaux débouchés. Jusqu'ici, les efforts consentis par les studios hollywoodiens pour s'assurer cet immense marché se résumaient à quelques coupes plus ou moins anecdotiques ou des tournages délocalisés. Mais le cas 21 and Over fait tomber une barrière : il ne s'agit pas seulement de ne pas contrarier les Chinois, mais de se renier carrément en transformant une histoire de la jeunesse américaine en quasi-brûlot anti-Américain. Une capitulation totale de la part des réalisateurs, dont le L.A. Times rapporte les propos désabusés : "Ils ont doublé le film de toute façon. Donc peu importe les dialogues que nous avons écrits, nous n'avons aucune idée de ce qu'ils diront dans la version chinoise".21 and Over a intérêt à exploser le box office en Chine. V.A.C