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Comme prévu. Comme prévu, 12 Years A Slave remporte l'Oscar du meilleur film de cette 86ème cérémonie. Si la course des Oscars fut serrée (American Bluff et Gravity étaient aussi bien partis), le film de Steve McQueen a quand même remporté plus de 200 prix dans le monde (on n'a pas été vérifié, mais on va croire nos sources).  Mais ce soir, l'Académie a donc donné la prime au sujet et au sérieux et le pur entertainment (American Bluff) a dû s'incliner. Ecrit par un Noir, réalisé par un Noir, 12 Years A Slave adapte le livre de Solomon Northup, musicien black et libre de New York, kidnappé et vendu comme esclave en 1841. Northup passera 12 ans dans des plantations de Louisianne où il fut victime et témoin de la condition des esclaves. 

Fidèle à ses motifs favoris, le dolorisme et l’aliénation, physique ou mentale, McQueen raconte donc les sévices des victimes avec une violence et une radicalité parfois à la limite du soutenable. Beau, intense, dialectique, le film de McQueen est le grand gagnant de la soirée. L'Académie a rendu un palmarès très équilibré et très prévisible, mais en donnant l'Oscar de l'adaptation, celui de la meilleure actrice dans un second rôle et celui du meilleur film à 12 Years A Slave, on ne peut pas ne pas imaginer que Hollywood tente aussi de réparer des injustices historiques. Et cette récompense a des significations profondes...

D'abord elle permet enfin de lever le voile sur la (faible) représentation de l'esclavage au cinéma. Comme le répète McQueen dans ses interviews depuis maintenant plus de six mois, "Hollywood a fait plus de films sur les esclaves romains que sur les esclaves américains". De fait, la liste est longue des événements et des personnalités black et powerful dont la Mecque du cinéma s'est toujours détournée. Et ce soir, c’est probablement avec le désir de pulvériser un des derniers tabous de son cinéma qu'Hollywood récompense McQueen.

Mais c'est aussi la reconnaissance (tardive ?) des cinéastes blacks au sein de l'industrie que Hollywood entend promouvoir - ou reconnaitre. Entre le buzz Fruitvale Station, le choc du Majordome et cet Oscar pour 12 Years A Slave (premier film oscarisé réalisé par un cinéaste noir), il est désormais impossible de ne pas voir que, oui, enfin, les cinéastes blacks ont leur place dans l'industrie. Hollywood pourra demain matin se regarder de nouveau dans le miroir. 

C'est peut-être ça au fond, que voulait dire Ellen De Generes dans son discours d'intro (génial). La MC de la soirée expliquait quelques heures avant la remise du dernier prix que ce soir, il y avait deux possibilités : "la première, 12 Years A Slave gagne l'Oscar. La deuxième, vous êtes tous racistes". On sait désormais quelle solution l'Académie a préférée. (A juste titre)